De l'aveu même du sénateur Alain Milon, rapporteur (UMP) du projet de loi "Hôpital, patients, santé, territoire", il s'agissait d'un "point dur" de la contestation à la réforme Bachelot.
Plus discrètement que les médecins hospitaliers, mais non moins efficacement, les médecins libéraux sont partis en guerre contre la remise en cause du secteur 2, introduite lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
En cause: la pratique des dépassements d'honoraires, que les députés ont voulu limiter dans les cliniques privées dès lors que ces établissements s'engagent dans des missions de service public.
Devant la menace d'une grève dure agitée par les médecins libéraux, et notamment les internes, le ministère de la santé a joué la prudence. Les dispositions contestées ne seront finalement pas reprises lors de l'examen du texte par le Sénat, le 11 mai 2009.
Les dépassements d'honoraires – soit la possibilité accordée aux médecins de secteur 2 (honoraires libres) de pratiquer des tarifs de consultations au-delà du remboursement de l'assurance-maladie – posent un problème croissant d'accès aux soins en France.
Pour y remédier, les pouvoirs publics ont envisagé de créer un secteur optionnel, permettant des dépassements limités, mais les discussions entre l'assurance-maladie et les partenaires sociaux sont au point mort sur ce sujet.
"SPOLIATION"
Lors de l'examen du projet Bachelot à l'Assemblée, les députés étaient à deux doigts de supprimer le secteur 2. Finalement, deux amendements ont été adoptés : l'un de Jean-Luc Préel (Nouveau Centre, Vendée), l'autre d'Yves Bur (UMP, Bas-Rhin).
Ils disposent que, si les futures Agence régionales de santé (ARS) constatent des difficultés d'accès aux soins sur leur territoire, elles pourront imposer aux cliniques privées, en situation de monopole, une "proportion minimale d'actes facturés sans dépassements d'honoraires".
Les médecins n'ont pas tardé à réagir. Menaçant d'un "conflit très dur", l'Union des chirurgiens de France a annoncé qu'elle était prête à suspendre toutes les activités chirurgicales à partir du 1er juin 2009 si le Sénat ne retirait pas ces amendements.
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a dénoncé "la disparition du secteur 2, la spoliation totale des médecins et la fin de l'exercice libéral en clinique".
Mais le plus inquiétant, pour le gouvernement, est venu des jeunes médecins, traditionnels fers de lance des mouvements hospitaliers: l'Intersyndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH) a annoncé qu'il rejoindrait la grève des chirurgiens s'il n'obtenait pas le retrait des deux amendements.
Le gouvernement a immédiatement perçu la menace. Lundi 20 avril 2009, le directeur de cabinet de Roselyne Bachelot a rencontré les représentants de l'ISNIH pour leur assurer que la ministre de la santé accepte le retrait des amendements contestés.
Mme Bachelot "considère que le problème de l'accès financier aux soins doit être résolu dans une vie conventionnelle rénovée", s'est immédiatement félicité l'ISNIH.
Autrement dit, le gouvernement parie sur une reprise des discussions sur le secteur optionnel. A l'heure où le monde hospitalier est en ébullition, il était urgent de donner des gages aux internes.
Cécile Prieur