mardi 30 mars 2010

Les personnels hospitaliers mobilisés

Le Monde, 30 mars 2010

A l'appel de plusieurs syndicats (FO, CFTC, CFE CGC, UNSA-Santé), les personnels hospitaliers sont appelés à une manifestation nationale à Paris, mardi 30 mars 2010, afin de protester contre la réforme du secteur, qui remet en cause notamment la catégorie active et le départ à la retraite à 55 ans.

L'Assemblée nationale doit examiner les 30, 31 mars et 1er avril un article de loi "qui doit supprimer la catégorie active des personnels paramédicaux et des cadres soignants de la fonction publique hospitalière".

Le maintien du code des pensions et des statuts particuliers, la prise en compte de la pénibilité, le calcul de la pension sur la base des six derniers mois, l'arrêt de l'allongement de la durée de cotisation sont également des points soulevés par les syndicats.

lundi 29 mars 2010

Les chirurgiens de la Clinique du sport payent pour leur grave silence

Claude Rambaud, juriste et présidente du Lien. Le Monde, 17 mars 2010

Vingt-deux ans après les premières contaminations à la bactérie xenopi de patients opérés à la Clinique du sport, à Paris, la justice a enfin rendu son jugement, mercredi 17 mars : deux des trois praticiens poursuivis ont été condamnés à de la prison ferme – le directeur Pierre Sagnet à quatre ans de prison, dont dix-huit mois fermes, et le chirurgien Didier Bornert, à deux ans de prison, dont six mois fermes.

Claude Rambaud, juriste et présidente du Lien, l'association de défense des victimes d'infections nosocomiales, analyse la portée de ce jugement.

Quel est votre sentiment à l'annonce de ce jugement ?

Claude Rambaud : C'est une condamnation juste mais sévère : les peines de prison ferme sont très rares pour des affaires médicales, à moins de violences volontaires, mais qui ne concernaient pas le dossier de la Clinique du sport. A part pour le scandale du sang contaminé, on a rarement vu de telles condamnations.

Si les juges ont prononcé des peines de prison ferme, c'est qu'ils ont estimé qu'il y avait eu une prise de risque délibérée pour les patients. C'est très grave et cela va donner à réfléchir à énormément de praticiens qui ne respectent pas les bonnes pratiques et qui passent outre les recommandations de lutte contre les infections nosocomiales.

L'instruction du dossier de la Clinique du sport a duré plus de dix ans. Le jugement est rendu treize ans après les premiers dépôts de plaintes. La justice a-t-elle été trop lente ?

C'est très long, surtout pour les victimes qui attendent. On peut déplorer cette lenteur de la justice française, mais celle-ci permet aussi de révéler des éléments du dossier qui autrement seraient passés inaperçus. Aujourd'hui, la justice est rendue, mais elle n'est pas définitive puisque les deux condamnés comptent faire appel. Les victimes doivent donc se préparer à encore plusieurs mois de galère.

Vous présidez l'association Le Lien qui représente les victimes d'infections nosocomiales. Comment les douze ex-patients de la Clinique du sport qui se sont portés partie civile ont-ils vécu ce procès ?

Cela a été très douloureux. Les victimes ont par moment été découragées. J'ai vu des anciens patients de la clinique pleurer car ils estimaient que le jugement n'arriverait jamais. Les victimes sont très atteintes par la longueur des procédures. [Signe de leur lassitude, une seule des douze parties civiles s'est déplacée, mercredi, pour entendre le jugement.]

L'affaire de la Clinique du sport a été la première à entraîner une prise de conscience du problème des infections nosocomiales. Il y a eu un avant et un après-Clinique du sport. Pensez-vous que ce jugement, sévère, constituera lui aussi un tournant, sur le volet juridique cette fois ?

Effectivement, l'affaire a déjà marqué puisque c'est à travers le scandale de la Clinique du sport que la lutte contre les infections nosocomiales a avancé, que les structures de surveillance ont été rendues plus contraignantes – bien qu'elles ne marchent pas toujours très bien –, et que le gouvernement a mis en place un plan de lutte pluriannuel.

Mais ce que je retiens de ce jugement, c'est que les praticiens de la Clinique du sport payent aussi leur silence. Quand les premiers cas de patients contaminés au xenopi ont été découverts à la Clinique du sport dès 1989, pourquoi l'équipe n'a-t-elle pas rappelé immédiatement l'ensemble des patients ? C'est grave, aussi grave que de ne pas avoir utilisé de l'eau stérile, car cela a entraîné la détérioration de la santé des victimes.

Malgré la médiatisation de cette affaire et des autres cas qui ont suivi, y a-t-il toujours un déficit d'information des patients potentiellement atteints ?

Oui, un grave déficit. Au Lien, nous recevons toutes les semaines des dossiers dans lesquels on a caché aux patients qu'ils étaient potentiellement atteints d'une infection nosocomiale. Du coup, les symptômes ne sont pas traités et la victime n'est pas orientée vers les bons circuits de soins. Dans le cas d'une infection au xenopi, lorsque les premières douleurs apparaissent, l'os est déjà complètement rongé. Il est donc trop tard.

La loi de 2002 sur les droits des malades stipule que tous les accidents médicaux doivent être déclarés, or ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui. Quand va-t-on rendre obligatoire la déclaration des accidents médicaux ? Les professionnels n'informent pas les patients, n'informent pas les autorités administratives. C'est un acte anti-citoyen car nous ne pouvons pas faire de prévention. Il faut sortir de ce silence et qu'on arrête de mépriser les patients victimes.

Propos recueillis par Mathilde Gérard

Procès de la Clinique du sport : prison ferme pour deux médecins

Le Monde, 17 mars 2010

Ce fut le premier d'une longue série de scandales médicaux liés aux infections nosocomiales. Mercredi 17 mars 2010, plus de vingt ans après les premières contaminations de patients de l'ancienne Clinique du sport, à Paris – aujourd'hui rebaptisée Centre médico-chirurgical Paris V –, le tribunal correctionnel de Paris a rendu un jugement sévère : le directeur Pierre Sagnet a été condamné à quatre ans de prison dont 18 mois ferme et 50 000 euros d'amende. Le chirurgien Didier Bornert a été condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, et le troisième chirurgien poursuivi, Patrick Béraud, à huit mois de prison avec sursis.

Une contamination détectée sur le tard

L'affaire éclate au grand jour le 11 septembre 1997, dans Le Parisien, qui évoque le cas d'une victime, Béatrice Ceretti, opérée en 1991 d'une hernie discale à la Clinique du sport et hospitalisée trois ans plus tard, en raison de violentes douleurs dans la colonne vertébrale.

Après une longue errance médicale et de nombreux diagnostics, la cause de ses douleurs est identifiée début 1997 : une infection post-opératoire au xenopi, un germe de la famille de l'agent de la tuberculose, remontant à sa première opération.

Béatrice Ceretti découvre, par la médiatisation de son cas, que 57 autres patients opérés des lombaires ou des cervicales entre janvier 1988 et mai 1993 dans cette clinique parisienne ont été contaminés. Tous souffrent au niveau de leur colonne vertébrale, rongée par une tuberculose osseuse.

Les autorités sanitaires ouvrent un numéro vert en octobre 1997 et nomment des experts ; la clinique est brièvement fermée. Treize patients, les plus gravement touchés, déposent plainte au pénal ; les autres engagent des poursuites au civil pour obtenir des indemnisations. Ils estiment que les méthodes de l'établissement ont fait passer la rentabilité avant leur sécurité, et dénoncent la lenteur des réactions des autorités médicales.

L'enquête

L'instruction-fleuve va mettre au jour une succession de manquements et de carences, dont deux principaux : la contamination du circuit d'eau potable de l'établissement par la mycobactérie xenopi et les mauvaises pratiques de stérilisation reprochées à trois chirurgiens.

Une première alerte est déclenchée dès 1989, après la découverte de la bactérie dans les lombaires d'un patient lyonnais opéré un an plus tôt. Une étude est conduite au sein de l'établissement, mais personne ne pense alors à analyser l'alimentation en eau du bloc opératoire. La cause de l'infection n'est pas identifiée, et aucune suite n'est donnée à cette alerte.

Pourtant, les cas d'infection de patients opérés du rachis se multiplient : au premier semestre 1993, la clinique en a identifié neuf.

Le docteur Pierre Sagnet, directeur de l'établissement, alerte alors la Direction générale de la santé, la Ddass et le Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales.

Ce dernier enquête et conclut que "la source de l'épidémie était une contamination des instruments chirurgicaux (...) lors d'un rinçage à l'eau du réseau sanitaire de la clinique". Des questionnaires de satisfaction sont envoyés aux patients, mais ne les informent pas du risque de contamination. Il faudra donc attendre l'article du Parisien pour que l'affaire prenne une dimension publique et que la justice intervienne.

En 2001, les experts judiciaires soulignent le non-respect des règles de stérilisation des instruments chirurgicaux : en raison du grand nombre d'interventions programmées, certains instruments n'étaient pas stérilisés par la chaleur, mais placés dans une solution désinfectante et rincés avec l'eau filtrée du lave-mains du bloc opératoire.

Encore plus inquiétant, selon les témoignages d'aide-soignants, du matériel à usage unique aurait été réutilisé pour plusieurs interventions par l'un des praticiens.

Le procès et les réquisitions

Trois chirurgiens, Pierre Sagnet, Didier Bornert et Patrick Béraud, sont poursuivis pour "coups et blessures involontaires" et "non-assistance à personne en danger".

Lors de leur comparution en octobre 2009 devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris, les prévenus ont assuré avoir appliqué les règles d'hygiène en vigueur à l'époque et utilisées "par tous, partout".

Leur défense a également insisté sur le fait que la stérilisation du matériel ne relevait pas de leur responsabilité mais de celle du personnel médical.

Dans ses réquisitions, le parquet a clairement distingué la responsabilité de Pierre Sagnet, qui était aussi, au moment des faits, directeur de la clinique, contre lequel il a requis trois ans de prison, dont deux avec sursis, et 30 000 euros d'amende. Il lui est aussi reproché d'avoir tardé à endiguer l'épidémie et à informer les patients potentiellement contaminés.

Contre les deux autres médecins, Didier Bornert et Patrick Béraud, le parquet a requis des peines respectives de deux ans de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende pour le premier, et huit mois avec sursis pour le second.

Les condamnations

Mercredi 17 mars, le tribunal correctionnel de Paris a condamné le directeur Pierre Sagnet à quatre ans de prison dont 18 mois ferme et 50 000 euros d'amende.

Didier Bornert a été condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, et Patrick Béraud à huit mois de prison avec sursis.

Les peines de Pierre Sagnet et de Didier Bornert sont donc bien plus sévères que les réquisitions du ministère public.

Pierre Sagnet s'est dit "très, très mal" à la sortie de la salle d'audience. "Je suis meurtri, déçu. J'essaie de comprendre. On a jugé avec les connaissances d'aujourd'hui quelque chose qui s'est passé il y a vingt ans", a-t-il dit.

Les docteurs Sagnet et Bornert ont indiqué qu'ils feraient appel de ce jugement.

Le retentissement de l'affaire

L'affaire de la Clinique du sport représente le premier scandale de contaminations à grande échelle dans un établissement hospitalier. Par le biais de l'association qu'ils ont créé, Le Lien, les patients de la clinique se sont mobilisés pour alerter l'opinion et les pouvoirs publics sur l'urgence de la lutte contre ces infections.

En 2002, Le Lien obtient que la loi reconnaisse le droit à l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux et d'infections nosocomiales. Aujourd'hui, ces infections sont considérées comme un problème de santé publique.

Dans les hôpitaux, les règles d'hygiène ont été rendues plus strictes, avec utilisation de solutions hydro-alcooliques et lavage systématique des mains. En parallèle, le ministère de la santé a entrepris de mesurer la qualité de l'hygiène de chaque hôpital.

Les infections nosocomiales continuent toutefois de faire des ravages. En 2006, elles ont touché près de 5 % des patients hospitalisés, et sont la cause de 4 000 décès par an.


--------------------------------------------------------------------------------

Pour en savoir plus :

- Ils m'ont contaminée, le livre-témoignage de Béatrice Ceretti, paru aux éditions L'Archipel en 2004

- Le site du Lien, l'association d'aide aux victimes d'infections nosocomiales, créée par d'anciens patients de la Clinique du sport

- Le texte de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits du malade sur le site Légifrance

- Le plan du gouvernement 2009-2013 de prévention des infections associées au soin, présenté en juillet 2009 par le ministère de la santé

samedi 27 mars 2010

Les hôpitaux de Paris empruntent jusqu'au Japon

Le Figaro, 23 mars 2010

Les épargnants japonais l'ignorent certainement autant que les patients des hôpitaux parisiens. Pourtant, la plus grande banque mutualiste nipponne, Zenkyoren, achète bel et bien des titres de dette de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Des obligations qu'on peut aussi acquérir à la Bourse de Zurich, en francs suisses. Et bien sûr en France.

Depuis 2006 en effet, la AP-HP ne se contente pas de financer ses projets par des prêts bancaires, mais dispose aussi d'un programme d'émissions obligataires. Ainsi en 2009, l'institution a emprunté à long terme 275 millions d'euros auprès des banques et a levé 106 millions d'euros d'obligations, dont une partie pour la première fois en devises.

Et, fait exceptionnel l'an passé, 100% des obligations ont été acquises par des étrangers.

«Avec les nouvelles règles prudentielles, les investisseurs internationaux sont à la recherche d'actifs sûrs. Certains d'entre eux, comme la banque mutualiste japonaise, ont besoin de souscrire pour des montants relativement limités, dans ce cas précis autour de 35 millions d'euros. Nous correspondons parfaitement à cette demande», explique Philippe Sauvage, directeur économique et financier de l'AP-HP.

Note la plus haute

De fait, les hôpitaux de Paris sont considérés comme un des émetteurs les plus solides par les agences de notation. Après Fitch en décembre dernier, Standard & Poor's a confirmé son triple A en mars.

«La note de l'AP-HP, égalisée avec celle de la République française, reflète l'opinion que le gouvernement français apporterait de façon quasi certaine un soutien prompt et suffisant à l'AP-HP si le groupe devait connaître de graves difficultés financières», explique sans ambages Standard & Poor's. Même si, en droit pur, l'établissement est juridiquement autonome.

Les agences gardent tout de même dans leur radar l'évolution du déficit de l'institution, censé disparaître en 2012. Par ailleurs, elles jugent que, bien qu'en hausse, la dette de l'institution est «modérée, représentant 5,6 années d'épargne brute en 2008», selon Fitch.

Grâce à cette excellente notation, l'AP-HP peut se financer à bas coût. En 2009, le taux d'intérêt moyen de sa dette à long terme n'a pas dépassé 2,87%. Et sur l'obligation en yens, le taux n'a été que de 1,73% ! Une aubaine alors que les besoins de financement augmentent.

En effet, la dette est passée de un milliard en 2005 à 1,9 milliard en 2009, suite au lancement d'un programme d'investissement. Depuis 2005, l'AP-HP investit en moyenne 510 millions par an, contre 315 millions en moyenne entre 2000 et 2005.

«Émettre des obligations permet de diversifier nos sources de financement. Entre les obligations et les prêts bancaires, nous choisissons à chaque fois le plus avantageux», conclut Philippe Sauvage.

Le déficit de l'AP-HP atteint 96 millions d'euros

Le Figaro, 27 mars 2010

Le chiffre est quasiment conforme au budget voté. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) compte 597 équivalents temps plein en moins sur un an.

Dans les clous. Dans un contexte social toujours tendu, le conseil d'administration de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s'est penché, ce samedi matin, sur les comptes 2009 de l'établissement.

Ils font apparaître un déficit de 96,2 millions d'euros, quasi conforme au budget voté (-95 millions), sur un budget total de 6,4 milliards. Les dépenses ont été légèrement supérieures aux prévisions, mais les recettes aussi.

Les investissements ont atteint le montant record de 593 millions. Il s'agit surtout de travaux immobiliers (rénovation des urgences de Saint-Antoine, future maternité de Port-Royal, bâtiment Laennec à Necker…) mais aussi d'un effort accentué sur l'informatique (près de 150 millions, alors que le chiffre tournait encore autour de 50 millions par an jusque 2005).

Sur la question sensible des effectifs, l'AP-HP comptait, fin décembre 2009, 71 678 «équivalents temps-plein» (ETP), plus 2887 en CDD. Soit un recul de 597 équivalents temps plein en un an qui, selon la direction, concerne surtout les CDD. Ces chiffres ne tiennent compte ni des intérimaires ni des médecins.

Les effectifs médicaux sont restés stables l'an dernier, autour de 9000 équivalents temps plein (ETP).

mercredi 24 mars 2010

Meilleurs blogs recherche de l'année

Les meilleurs blogs recherche de l'année ont été décernés par les Research Blogging Awards 2010

En biomédecine:

- Science-Based medicine par Steven Novella (http://www.sciencebasedmedicine.org/)


Meilleur nouveau blog recherche: Hannah, étudiante en Master à Philadelphie.

Twitteur de l'année : Bora Zivkovic / BoraZ http://twitter.com/BoraZ

Références

- GenomeWeb http://www.genomeweb.com/blog/research-bloggers-honor-their-own

mardi 23 mars 2010

La délicate mue de l'AP-HP

Le Figaro, 23 mars 2010

Pétitions, manifestations, occupation de locaux, menace de démission de centaines de médecins de leurs fonctions administratives, rumeurs de limogeage du directeur… La préparation du plan stratégique 2010-2014 de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris provoque des remous.

Les orientations doivent être bouclées d'ici une semaine par le conseil exécutif de l'AP-HP, puis définitivement adoptées en juin. Une négociation a déjà commencé avec les syndicats.

Pour la direction, il s'agit de répondre aux nouveaux problèmes de santé (obésité, vieillissement…), d'anticiper la baisse du nombre de médecins, de s'adapter au progrès médical (chirurgie ambulatoire…). Et de résorber les déficits avant fin 2012.

Cela suppose, avait expliqué en début d'année le directeur général, Benoît Leclercq, 3 000 à 4 000 suppressions de postes d'ici là, par non-remplacement d'une partie des 6 000 départs naturels annuels.

Pour les syndicats et certains médecins, c'est la«casse sociale», la «dégradation des soins» et la «destruction du service public». Face à la grogne, tout objectif chiffré de réduction d'effectifs a été retiré.

Demeure l'impératif d'équilibre budgétaire, exigé de tous les hôpitaux par Nicolas Sarkozy, sachant que la masse salariale y représente environ 70% des dépenses…

Benoît Leclercq, qui semble aujourd'hui très fragilisé, est convaincu que des réductions d'emplois sont compatibles avec la qualité des soins, à condition de se réorganiser. Regrouper deux services similaires permet de réaliser des actes avec une certaine fréquence, gage de qualité.

Et de réaliser des économies : une équipe de garde au lieu de deux, moins de locaux à entretenir… Construire de nouveaux bâtiments, plaide-t-il aussi, peut être moins cher que d'en rénover d'anciens de toute façon inadaptés. C'est notamment le cas des hôpitaux «pavillonnaires», hérités du XIXe siècle et étalés sur des hectares.

Comme Trousseau, emblème de la contestation. Le conseil exécutif compte déménager sa pédiatrie spécialisée, très pointue mais en surcapacité, vers les deux autres services de la même discipline existants, à Robert-Debré (4,5 km) et à Necker (8 km), où les locaux seront agrandis. Le projet est remis en cause par des médecins de Trousseau ; certains redoutent que la maternité de cet établissement soit fragilisée.

«La direction n'a jamais fait le forcing»

Pourtant, Pierre Coriat, le président de la Commission médicale d'établissement (CME), c'est-à-dire le représentant élu de tous les médecins de l'AP-HP, met en garde : «Il n'est pas possible de repartir à zéro. Ce plan stratégique a fait l'objet d'une large concertation, avec une référence constante aux besoins de santé publique et aux impératifs de la médecine moderne.»

Aucun projet de restructuration n'arrive au conseil exécutif sans avoir d'abord été «instruit» par la CME, le «Parlement» des médecins, précise le Pr Coriat. «Trois cas peuvent alors se présenter : soit il y a consensus, soit ils sont jugés pertinents médicalement mais il nous faut convaincre certains collègues réticents à cause d'un “patriotisme de site”, soit ils sont jugés non pertinents. Dans ce dernier cas, le conseil renonce. La direction n'a jamais fait le forcing.»

Et d'ajouter : «Être efficient économiquement, c'est, entre autres, soigner plus vite, réduire les infections, les complications : tout cela est un devoir éthique. J'envisage l'équilibre en 2012-2014 tout en ayant amélioré l'offre de soins, à condition d'investir. On peut trouver suffisamment d'économies, mais pas seulement sur les effectifs. Nous dépensons 1 milliard en médicaments par an. Réduire de 3% notre consommation, c'est déjà 30 millions d'économisés ! Là où nous diver­geons fondamentalement, c'est quand la direction affiche en préalable un nombre d'emplois de soignants à supprimer. Il ne faut pas partir de ce dogme technocratique.»

«La dimension économique»

Une critique de la méthode partagée par le député PS Jean-Marie Le Guen, président de l'AP-HP.

«On a trente ans de retard en matière d'investissement sur les autres CHU, déplore l'élu - un constat largement partagé. Réduire les charges de personnel, on peut y parvenir, mais les investissements sont une condition préalable, pour regrouper les bâtiments, les services. Donc il est impossible de le faire en trois ans.»

Pour autant, assure l'adjoint au maire de Paris, l'AP-HP est prête au changement : «La Pitié-Salpêtrière compte 88 bâtiments ! Cela a longtemps satisfait certains chefs de service, qui se sentaient tranquilles chez eux… Mais une nouvelle génération de médecins veut que les services travaillent ensemble ; elle raisonne en termes de qualité de soins, de compétition mondiale sur la recherche, et a conscience de la dimension économique.»

C'est peut-être finalement cela qui bouscule une partie du corps médical : l'impression qu'une certaine conception de la médecine hospitalo-universitaire s'éloigne.

«Les mandarins, résume un cadre de l'AP-HP, ne pourront plus transmettre “leur” service pour vingt ans, comme eux-mêmes en ont hérité il y a vingt ans.»



--------------------------------------------------------------------------------



Une exception parisienne

La révolte de l'AP-HP ? Une colère de «privilégiés», soupirent discrètement certains représentants des autres CHU - ceux de province. «En proportion, Nantes, Nancy ou Lyon réduisent davantage les effectifs, sans faire tant de bruit», grince un important «patron».

Il est vrai que la proximité des médias et des cercles politiques donne aux revendications des blouses blanches parisiennes beaucoup d'écho. Un sentiment d'exception parfois entretenu par le pouvoir lui-même. Le dossier est censé relever de la nouvelle "Agence régionale de santé" mais Roselyne Bachelot fait savoir qu'elle reçoit les médecins parisiens. Le cabinet de la ministre reçoit la presse pour présenter la réforme, tandis que Nicolas Sarkozy invite à déjeuner une douzaine de professeurs à la tête de la contestation…

Il est tout aussi vrai que l'AP-HP écrase les autres établissements français par sa taille, sa renommée internationale, sa recherche, et qu'elle draine des patients bien au-delà de la région parisienne.

Hôpitaux de Paris : le dossier reste explosif malgré la suspension des restructurations

Le Monde, 20 mars 2010

Était-ce un vrai recul ? Les syndicats en doutent, et la pression est à peine retombée à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), où le dossier explosif de la restructuration est suivi de près par l'Elysée.

Pourtant, deux jours avant le premier tour des élections régionales, le 12 mars, la direction avait suspendu la mise en œuvre des restructurations en cours, le temps de négocier, site par site, avec les syndicats.

Manifestation contre la fermeture de centres IVG, séquestration de la directrice de l'hôpital Charles-Foix - Jean-Rostand (Val-de-Marne), jeudi 18 mars 2010, puis de son homologue de Joffre-Dupuytren (Essonne), vendredi, il n'y a pas eu de répit dans l'entre-deux-tours.

Les syndicats de l'AP-HP réfléchissent à organiser une action, le 26 mars 2010, date de la prochaine réunion avec la direction. Une mobilisation nationale sur l'emploi dans les hôpitaux est prévue le 30 mars 2010.

"Tant que le changement de politique n'est pas garanti, nous n'arrêterons pas la mobilisation", affirme Rose-May Rousseau, pour la CGT de l'AP-HP. "Nous avons gagné un sursis, mais la direction va clairement nous présenter le même projet", prévoit Marie-Christine Fararik, pour SUD-santé.

Ce plan stratégique 2010-2014, dont les premières orientations ont été dévoilées en janvier 2010, prévoit des rapprochements d'hôpitaux et des fermetures de services.

Il s'inscrit dans l'optique de la modernisation du mastodonte de l'AP-HP, qui regroupe 37 établissements et dans l'objectif, fixé à tous les hôpitaux, d'un retour à l'équilibre en 2012.

A l'AP-HP, c'est 100 millions d'euros qui doivent être économisés chaque année, sur un budget annuel de 6 milliards.

Au ministère de la santé, on rappelle qu'il s'agit là d'"un objectif de résultats, non de moyens".

Alors que le chiffre de 3 000 à 4 000 suppressions de postes (sur 92 000 emplois) avait été avancé par la direction, celle-ci insiste désormais, comme le ministère, sur les autres pistes à explorer, comme la rationalisation de la prescription de médicaments.

Mais la masse salariale représentant 70 % des dépenses, chacun sait qu'à l'hôpital économie rime avec réduction de postes. Les syndicats ne croient donc guère à la fin de la "logique comptable".

Les médecins non plus. Le Pr André Grimaldi, président du Mouvement de défense de l'hôpital public (MDHP), s'il note un changement de méthode, n'en imagine pas sur le fond : "Depuis des années, le leitmotiv des politiques a été l'équilibre budgétaire et les suppressions d'emplois, je ne vois pas pourquoi l'AP-HP y échapperait."

Il affirme qu'en cas d'impact sur l'offre de soins les médecins seront prêts à "réagir rapidement". A l'automne, ils avaient déjà menacé de démissionner de leurs fonctions administratives.

Médecins, syndicats, tous espèrent que les intentions du gouvernement seront éclaircies après le second tour des régionales, dimanche 21 mars 2010. Ils voudraient sortir du "flottement" ressenti ces dernières semaines. "Entre l'Elysée et le ministère, c'était la cacophonie", estime Rose-May Rousseau.

Ils aimeraient aussi être fixés sur leurs interlocuteurs. La semaine écoulée a encore donné lieu à des rumeurs de limogeage de Benoît Leclercq, le patron de l'AP-HP, auquel l'exécutif reprocherait non d'avoir mis sur les rails le plan de restructuration, mais d'avoir mal géré la communication sur les suppressions de postes, en pleine période électorale.

Un sujet sur lequel la gauche s'est mobilisée, au nom de l'emploi et de la qualité de l'offre de soins, notamment à propos de l'hôpital Armand-Trousseau menacé de démantèlement.

Déjà, Georges-François Leclerc, le directeur de cabinet de Roselyne Bachelot, dont la raideur était peu appréciée dans le monde de la santé, a quitté ses fonctions en février 2010.

Désormais, alors qu'un remaniement est en vue, on s'interroge sur le sort de la ministre. Celle-ci est fragilisée par les remous à l'AP-HP, mais aussi par ses relations tendues avec les médecins libéraux, sans oublier la gestion de la grippe A.

Mme Bachelot, qui sera auditionnée mardi 23 mars 2010 par la commission d'enquête du Sénat, est en première ligne sur le sujet.

Laetitia Clavreul

vendredi 12 mars 2010

Le directeur général de l'AP-HP Benoît Leclercq aurait été limogé

Le Monde, 11 mars 2010

Le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Benoît Leclercq, aurait été "viré", selon des informations rapportées, jeudi 11 mars, par le site Internet de Libération.

"Le ministère de la santé a démenti cette l'information. Mais, de sources élyséennes, c'est confirmé", précise le quotidien. M. Leclercq, 62 ans, est directeur général de l'AP-HP depuis 2006.

Cette décision intervient alors que des syndicats de l'AP-HP occupent actuellement et depuis la mi-journée son siège à Paris, afin de dénoncer les projets de restructuration de la direction. Une centaine de personnes se sont installées dans la salle de conseil du siège, situé près de l'Hôtel de Ville, dans l'intention d'y passer la nuit, à l'appel de l'intersyndicale CGT-CFDT-FO-SUD-Santé-CFTC.

Celle-ci demande l'arrêt immédiat de la fermeture de nombreux hôpitaux de l'AP-HP, du plan social de suppressions d'emplois, qu'elle chiffre à 5 700, et le maintien de l'offre de soins en Ile-de-France.

Le siège de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris occupé par les syndicats

Le Monde, 11 mars 2010

Des syndicats de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) occupent, jeudi depuis la mi-journée son siège à Paris, afin de dénoncer les projets de restructuration de la direction. Une centaine de personnes se sont installées dans la salle de conseil du siège, situé près de l'Hôtel de Ville, dans l'intention d'y passer la nuit, à l'appel de l'intersyndicale CGT-CFDT-FO-SUD-Santé-CFTC.

"Nous sommes résolument opposés aux restructurations de l'AP-HP, c'est la casse des hôpitaux, leur démantèlement", a affirmé Gilles Damez, délégué FO, reprochant par ailleurs à la direction de vouloir vendre le siège.

La direction veut regrouper autour de douze groupes hospitaliers les hôpitaux parisiens et franciliens aujourd'hui au nombre de 37, un projet qui prévoit la suppression de 3 000 à 4 000 emplois d'ici à 2012.

Dans un communiqué, l'intersyndicale déclare refuser "des restructurations menées sur la seule logique comptable (...) sur le dos des malades et des personnels". Cette restructuration, selon elle, se traduirait par 300 millions d'euros d'économie d'ici à 2012.

Aussi, l'intersyndicale "exige" notamment l'arrêt immédiat de la fermeture de nombreux hôpitaux de l'AP-HP, du plan social de suppressions d'emplois, qu'elle chiffre à 5 700, et le maintien de l'offre de soins sur l'Ile-de-France.

jeudi 11 mars 2010

Les médecins généralistes en grève

LEXPRESS.fr AFP, 11/03/2010

Des généralistes ferment leur cabinet ce jeudi, car ils s'estiment moins bien reconnus que les spécialistes et "harcelés" par la Sécu.

Se jugeant "mal reconnus" par rapport aux médecins spécialistes, dont le prix de la consultation est plus élevé, ou "harcelés" par la Sécu pour limiter les dépenses, des généralistes racontent pourquoi ils ferment leur cabinet ce jeudi à l'appel de plusieurs syndicats.

"On reste en bas de l'échelle. On fait les mêmes études que tout le monde, mais on fait un boulot considéré comme misérable par rapport à un spécialiste", résume Bruno Deloffre, 53 ans, installé à Courbevoie (Hauts-de-Seine).

"On ne se bagarre pas pour un euro, mais pour le titre et la reconnaissance des compétences du médecin généraliste", explique-t-il, alors que quatre syndicats appellent à fermer les cabinets jeudi pour obtenir l'alignement du prix de la consultation du généraliste (22 euros actuellement) sur le prix plancher des autres médecins (23 euros).

Un "harcèlement" de la Sécu

Ce mouvement, baptisé "généralistes en colère", est aussi suivi pour d'autres raisons: Jean-Pierre Enrione-Thorrand, 61 ans, installé à Grenoble, accuse sa caisse d'assurance maladie de "harcèlement".

"Je demande une prise en charge à 100% pour deux patientes: même âge, même moment de départ à la retraite, même maladie, même traitement, même pose de pacemaker. Dans un cas, on me l'accorde sans discuter. Dans l'autre, on me la refuse. Ca fait neuf mois. J'ai écrit partout pour qu'on m'explique sur quel texte on s'appuie et personne me répond", s'exclame-t-il.

Youssef Barada, 61 ans, installé à Plouër-sur-Rance (Côtes-d'Armor), va dans le même sens: "Sur le plan des prescriptions, on est sous haute surveillance permanente (...) on est soupçonné tout le temps".

"Il y a deux mois, la caisse a décrété unilatéralement dans les Côtes d'Armor que, pour les visites, on n'avait plus le droit de faire de tiers payant", à savoir dispenser le patient d'avancer les frais en attendant le remboursement, dit-il.

"Ca porte préjudice à des patients qui n'ont pas les moyens" dit-il, en évoquant la cas d'une patiente "sans un rond" qui doit attendre deux à trois mois pour être remboursée.

"L'euro de hausse de la consultation n'est pas le plus important. Le plus important, c'est les conditions de travail. Les jeunes ne veulent plus s'installer à nos places. Moi, j'ai acheté une clientèle qui m'a coûté trente briques (300.000 francs, ndlr) il y a 28 ans. Là, je suis prêt à la céder pour un euro symbolique et je ne suis pas sûr de trouver quelqu'un", conclut-il.

Les généralistes, infirmières et puéricultrices se mettent en grève

Le Point, 11 mars 2010

Journée d'action jeudi pour les médecins généralistes, les infirmières et les professionnels de la petite enfance. Des crèches et des cabinets médicaux devraient être fermés jeudi en France. Tour d'horizon de la grogne.

Médecins généralistes

Ils ferment leur cabinet pour réclamer davantage de moyens. Les syndicats de la profession, MG France, Union généraliste, Union collégiale et SNJMG (jeunes généralistes), dénoncent le manque de reconnaissance des médecins généralistes par rapport aux spécialistes, dont le prix de la consultation est plus élevé.

Ils s'en prennent également à la pression de la Sécurité sociale pour limiter les dépenses.

Un communiqué de MG France, premier syndicat, souligne : "L'État, par le fait qu'il n'applique pas les lois qu'il a fait voter, et l'assurance-maladie, par les mesures discriminantes et vexatoires qu'elle applique avec zèle à l'encontre des généralistes, créent les conditions d'une France sans médecins généralistes. Si rien ne change, à l'horizon 2025, il y aura moins de 23.000 généralistes en cabinets, contre 56.000 aujourd'hui."

Le texte fait notamment référence à "la spécialité de médecine générale" prévue par la loi qui ne s'est pas concrétisée par une augmentation des tarifs.

Infirmières

Six syndicats d'infirmières appellent à une journée de grève avec rassemblement à Paris pour la reconnaissance de leur niveau de qualification et de la pénibilité de leur travail, alors que le gouvernement envisage de repousser l'âge minimal de départ à la retraite des infirmières salariées de 55 à 60 ans.

Selon un projet de réforme en préparation, l'ensemble des futures infirmières qui ont commencé leurs études après 2008 seront mieux rémunérées, mais elles ne pourront partir à la retraite qu'à partir de 60 ans.

Professionnels de la petite enfance

Les crèches devraient fermer leur porte en raison d'un mouvement de grève nationale des professionnels de la petite enfance, opposés à un assouplissement des règles d'accueil préparé par le gouvernement.

Des préavis de grève ont été déposés par les fédérations CGT, CFDT, Unsa et FSU et une trentaine de rassemblements et manifestations sont prévus dans toute la France, selon le collectif de professionnels baptisé "Pas de bébé à la consigne", en guerre depuis près d'un an contre un futur décret.

Le texte, qui devrait, selon la secrétaire d'État à la Famille, Nadine Morano, être publié "dans les trois mois", prévoit notamment des possibilités d'accueils supplémentaires dans les établissements, mais abaisse de 50 à 40 % le taux minimal de personnel "très qualifié" (éducateurs de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture...) obligatoirement présent, augmentant, du même coup, le nombre de personnels moins qualifiés, comme les titulaires de CAP petite enfance.