mardi 14 juillet 2009

Cancer: Incidence et mortalité

Cancer: Incidence et mortalité, Le Monde, 13 juillet 2009

L'Institut national de veille sanitaire (InVS) vient de publier les estimations d'incidence et de mortalité par cancer en France entre 1980 et 2005.

En vingt-cinq ans, l'incidence du cancer a quasiment doublé chez l'homme (+ 93 %) et fortement augmenté chez la femme (+ 84 %). "Ces hausses sont notamment liées à l'essor démographique et au vieillissement de la population", indique l'InVS.

En 2005, le nombre de nouveaux cas de cancer est estimé à 320 000. Les cancers les plus fréquents sont celui du sein chez la femme et celui de la prostate chez l'homme. "La progression a été plus importante pour les cancers de la prostate qui, avec plus de 62 000 nouveaux cas en 2005, devancent les cancers du sein, responsables de près de 50 000 cas", souligne l'Institut.

Concernant la mortalité, le nombre de personnes décédées d'un cancer en 2005 est estimé à 146 000. Données disponibles sur www.invs.sante.fr

Cancer : "Le bénéfice de la prévention ne va pas de soi"

Cancer : "Le bénéfice de la prévention ne va pas de soi", Le Monde, 13 juillet 2009

Le dépistage généralisé du cancer du sein, qui consiste à recommander aux femmes âgées de 50 à 74 ans de réaliser une mammographie tous les deux ans, est-il efficace ? Selon une étude danoise publiée vendredi 10 juillet dans le British Medical Journal (BMJ), ce type de dépistage organisé conduirait à surdiagnostiquer un cancer sur trois. Le professeur William Dab, épidémiologiste, ancien directeur général de la santé, titulaire de la chaire hygiène et sécurité au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) décrypte les résultats de cette recherche.

Que pensez-vous de l'étude publiée dans le "BMJ", qui montre qu'un cancer du sein sur trois détecté par les programmes de dépistage serait "surdiagnostiqué" ?

C'est un travail intéressant publié dans une bonne revue, mais qui n'est pas concluant. Les chercheurs danois ont analysé des données d'observation ; cela reste spéculatif. Ils ont regardé la fréquence du cancer du sein sept ans avant et sept ans après l'introduction d'un programme généralisé de dépistage dans cinq pays (Royaume-Uni, Canada, Australie, Suède, Norvège). Ils constatent qu'après la mise en place de ces programmes, la fréquence du cancer du sein augmente et que cette augmentation est du surdiagnostic.

Les données sont de bonne qualité ; l'impact du dépistage apparaît clairement, mais cet impact est-il positif ou négatif ? L'article ne répond pas à cette question parce qu'il ne dit rien sur le pronostic de ces femmes dépistées. N'auraient-elles eu aucun problème sans ce dépistage ou est-ce qu'on leur a sauvé la vie ?

Qu'entend-t-on précisément par "surdiagnostic" ?

On parle de surdiagnostic lorsque sont détectées des anomalies qui ne se seraient pas développées, voire qui auraient régressé spontanément et qui donc n'auraient jamais entraîné de symptômes durant la vie d'une personne. Il concerne aussi les personnes diagnostiquées qui meurent de tout autre chose que de leur cancer.

Le surdiagnostic n'englobe pas les problèmes de faux négatifs et de faux positifs, qui sont liés au fait qu'aucun test en médecine n'est parfait à 100 %. Ces tests peuvent classer "malades" des gens qui ne le sont pas et "non malades" des gens qui le sont. Et même lorsque le test classe correctement une personne, il reste toujours des patients qui n'auraient pas eu de conséquence de leur cancer diagnostiqué.

On ne peut donc pas tirer d'enseignement de cette étude ?

Si. Cette étude est salutaire parce qu'elle met le doigt sur une notion fondamentale : le bénéfice d'un dépistage généralisé n'est jamais évident. Ceci va, en apparence, contre le bon sens, car on croit souvent que prévenir c'est mieux. Or, ce n'est pas si simple que cela, et il est opportun de le rappeler : le bénéfice de la prévention ne va pas de soi. Il faut toujours s'assurer que ses avantages sont supérieurs à ses inconvénients. Je serai favorable à une procédure formelle d'autorisation des grands programmes de santé publique, comme cela se fait pour l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament.

Cette étude remet-elle en cause le bien-fondé du programme de dépistage généralisé du cancer du sein tel qu'il existe en France ?

Non, ces données ne sont pas de nature, à elles seules, à remettre en cause ce type de programme mais elles posent une question pertinente : la prévention peut induire des effets indésirables. Il faut poursuivre les recherches (à travers, par exemple, des indicateurs prédictifs du degré de risque de développement d'un cancer), car les bénéfices de ces programmes pourraient encore être plus grands qu'ils ne le sont.

Les programmes de dépistage de grande ampleur nécessitent un niveau scientifique de preuve très fort. Pour le cancer du sein, il a fallu du temps et beaucoup d'études pour savoir qu'un dépistage généralisé faisait plus de bien que de mal. On "embête" peut-être des femmes mais au total on sauve des vies. Il en est de même pour le cancer colorectal et pour le cancer du col utérin. Pour tous les autres (prostate, poumon), le dépistage génère du chiffre d'affaires, mais il n'y a pas de preuve d'une amélioration de la santé publique.

Pourtant, le dépistage individualisé du cancer de la prostate ne cesse de se développer...

Le niveau de preuve de l'intérêt du dépistage généralisé du cancer de la prostate n'est pas suffisant. On ne peut pas raisonner en santé publique comme on raisonne en clinique. Dans le premier cas, nous avons une obligation de résultats, dans le second, une obligation de moyens. Lors des dépistages, nous allons au-devant des personnes. Elles sont bien portantes et n'ont rien demandé. Ethiquement, nous avons donc une obligation de résultat, c'est-à-dire qu'il est indispensable d'avoir la preuve scientifique qu'on fait plus de bien que de mal.

Propos recueillis par Sandrine Blanchard

Le dépistage du cancer de la prostate fait-il plus de mal que de bien ?

Le dépistage du cancer de la prostate fait-il plus de mal que de bien ?, Le Monde, 13 juillet 2009

"Les pratiques actuelles de dépistage du cancer de la prostate en France génèrent plus de morbidité qu'elles n'en évitent", affirme le docteur Guy Launoy, directeur de l'équipe de recherche Inserm "Cancers et Populations" au centre hospitalier universitaire de Caen. Alors que les autorités sanitaires ne recommandent pas de dépistage systématique du cancer de la prostate à partir de 50 ans, de plus en plus de médecins proposent à des hommes asymptomatiques un dosage du PSA (marqueur biologique de la glande prostatique). Or, les qualités diagnostiques de cet examen ne cessent de faire débat, la proportion de diagnostics faussement positifs étant très importante.

"Le cancer de la prostate a une évolution extrêmement lente ; son dépistage systématique entraîne un surdiagnostic et un surtraitement", souligne le docteur Launoy. Les traitements (par chirurgie ou radiothérapie) engendrent souvent des effets secondaires - impuissance, incontinence urinaire - difficiles à vivre. "Pour éviter un mort, on crée de la morbidité chez des centaines d'hommes", résume le chercheur.

Dans son récent rapport consacré à "l'évolution de la mortalité par cancer en France de 1950 à 2006", l'Institut national de veille sanitaire (InVS) indique que l'incidence du cancer de la prostate a triplé entre 1990 et 2006 à cause de la généralisation du dosage de PSA. "Il est impossible aujourd'hui de dire si le dépistage a créé une épidémie de diagnostics inutiles ou s'il a contribué à la diminution de la mortalité", souligne l'InVS. Mais, "la possibilité de diagnostics inutiles est étayée par les études d'autopsies systématiques dans la population générale, qui trouvent un cancer de la prostate chez 30 % des hommes âgés de 30 ans et 80 % des hommes de 80 ans" poursuit-il.

Deuxième cause de mortalité par cancer chez l'homme, après le cancer du poumon, le cancer de la prostate a été responsable de 8 937 décès en 2006.

SURVIE

"Dire que plus un cancer est dépisté tôt plus la survie est longue comporte un biais", rappelle le docteur Launoy. En effet, si les pratiques diagnostiques conduisent à détecter des cancers plus tôt, la survie à cinq ans, par exemple, sera automatiquement améliorée. De plus, souligne l'InVS, "si ces dépistages conduisent à identifier des cancers qui ne seraient jamais devenus symptomatiques, la survie apparaîtra artificiellement améliorée par ajout de ces cas qui ne seraient jamais devenus malades". Bref, seul compte l'impact sur le nombre de décès. Or, si la mortalité par cancer de la prostate a diminué de 2,1 % par an entre 1990 et 2006, "elle diminue aussi dans des pays où le dépistage est peu répandu, comme le Royaume-Uni", note l'InVS.

Plus deux cents médecins ont signé le manifeste "Touche pas à ma prostate" lancé il y a quelques mois par le docteur Dominique Dupagne, fondateur du forum de discussion médical indépendant Atoute.org. "Des milliers d'hommes ont été rendus impuissants ou incontinents pour un bénéfice hypothétique ", dénonce ce manifeste.

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A lire : "Questions de santé publique" (nº 4, avril 2009), bulletin de l'Institut de recherche en santé publique.
"Dois-je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi" du professeur Gilbert Welch (Presses de l'université Laval, 256 p., 22 €).
www.iresp.net

mercredi 8 juillet 2009

Hôpital-cliniques : la guerre des tarifs aura bien lieu

Hôpital-cliniques : la guerre des tarifs aura bien lieu, Le Monde, 8 juillet 2009

La guerre est déclarée entre l'hôpital public et les cliniques privées. La Fédération hospitalière de France (FHF) a répondu vertement, mardi 7 juillet, à la mise en cause de la Fédération hospitalière privée (FHP) qui l'accuse de coûter trop cher à la collectivité. La FHP dénonce le financement jugé excessif de l'hôpital public par rapport aux cliniques privées.

"L'hôpital public est victime d'une véritable agression de la part des représentants de l'hospitalisation privée, s'est défendu Claude Evin, président de la FHF. Oui, nous coûtons plus cher que les cliniques privées, mais nous assumons des missions de service public beaucoup plus onéreuses !"

Depuis quelques jours, les cliniques privées multiplient les initiatives - encarts dans la presse, lettre ouverte à l'Elysée, appels pressants aux journalistes - pour prouver que leurs tarifs sont inférieurs à ceux dont bénéficie l'hôpital public.

Selon un "hosto-comparateur" mis en ligne sur le site de la FHP, un accouchement est payé 3 140 euros à l'hôpital public par l'assurance-maladie, contre 2 742 euros pour les cliniques ; une opération de la rétine, 2 731 euros contre 1 833 euros.

Pour le président de la FHP, Jean-Loup Durousset, rien ne justifie un tel écart : "Nous estimons qu'à prestations égales, nous devons être financés de la même manière que le public, précise-t-il. Pour l'heure, l'hôpital est sur-financé aux dépens du contribuable."

Cette accusation fait bondir l'hôpital public. La FHF affirme que la comparaison tarifaire entre public et privé n'est pas valide du fait des missions spécifiques de l'hospitalisation publique - urgences, permanence des soins -, qui entraînent un surcoût de financement.

"Les cliniques choisissent les pathologies et les patients qu'elles soignent. Ce n'est pas notre cas, s'indigne Alain Destée, qui représente les médecins de CHU. Les 70 000 accidents cardio-vasculaires qui surviennent chaque année sont quasiment tous pris en charge dans le public, car le privé estime qu'ils ne sont pas rentables."

Pour les deux camps, la polémique n'est pas nouvelle. Mais elle s'est violemment rallumée après que la FHF a obtenu, fin avril 2009, de Roselyne Bachelot, ministre de la santé, le report de l'alignement des tarifs publics et privés à... 2018 (Le Monde du 2 mai 2009).

Depuis, la FHP ne décolère pas. N'ayant plus l'oreille du gouvernement, les cliniques posent aujourd'hui des jalons en prévision du prochain débat parlementaire sur le financement de la Sécurité sociale.

Cécile Prieur

jeudi 2 juillet 2009

Pourquoi la loi sur l'hôpital est un échec annoncé

Pourquoi la loi sur l'hôpital est un échec annoncé, Le Monde, 2 juillet 2007

Professeurs Paul Barrière (Nantes), Arnaud Basdevant (Paris), Athanase Bénétos (Nancy), Pierre Bourgeois (Paris), Marie-Germaine Bousser (Paris), Laurent Brochard (Créteil), Alain Bron (Dijon), Philippe Chanson (Bicêtre), Dominique Chauveau (Toulouse), Michel Claudon (Nancy), Philippe Descamps (Angers), Charles Duyckaerts (Paris), Gilles Edan (Rennes), Alain Fischer (Paris), François Fourrier (Lille), Dominique Franco (Paris), René Frydman (Clamart), Alain Gaudric (Paris), Eliane Gluckman (Paris), Bertrand Godeau (Créteil), André Grimaldi (Paris), Eric Hachulla (Lille), Edouard Kieffer (Paris), Frédérique Kuttenn (Paris), Olivier Lyon-Caen (Paris), Jean-Paul Marie (Rouen), Christophe Marguet (Rouen), Xavier Mariette (Paris), Philippe Mathurin (Lille), Philippe Menasché (Paris), Vincent Meininger (Paris), Alain Mercat (Angers), Noël Milpied (Bordeaux), Bernard Moyen (Lyon), Dominique Musset (Clamart), Patrick Niaudet (Paris), Jean-François Pinel (Rennes), Pierre Pollak (Grenoble), Jean-Christophe Richard (Rouen), Bruno Riou (Paris), José Sahel (Paris), Laurent Sedel (Paris), Jean-Paul Soulillou (Nantes), José Timsit (Paris), Dominique Valla (Paris), Bruno Varet (Paris), Jean-Paul Vernant (Paris), Bernard Vialettes (Marseille), Philippe Vinceneux (Colombes).

La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) vient d'être adoptée par les deux Chambres après d'ultimes modifications apportées par le gouvernement. Qu'en restera-t-il dans quelques années ? Sans doute la bonne idée d'une gestion territoriale régionale de la santé, intégrant prévention, soins et action sociale, regroupés au sein des Agences régionales de santé (ARS).

Toutefois, les ARS portent en elles, dès leur naissance, deux dangers : leur lourdeur bureaucratique et leur politisation. Disposant des pleins pouvoirs, les directeurs des ARS sont en effet des préfets sanitaires, nommés et révoqués en conseil des ministres et choisissant eux-mêmes les directeurs des hôpitaux - hormis ceux des centres hospitalo-universitaires (CHU) nommés également en conseil des ministres. Aucun contre-pouvoir n'est mis en place (les concessions du gouvernement n'ont été que de façade), et surtout, pas une seule fois la loi HPST ne fait référence au "service public hospitalier". Ce dernier a disparu, au nom de la "convergence public-privé".

Cette approche idéologique et financière a été privilégiée, sans que soient pris en compte deux éléments essentiels. La France est le pays d'Europe où la part du montant des financements publics de soins versée à l'hospitalisation privée à but lucratif est la plus élevée.

Second élément : le déséquilibre financier de notre système de santé a des explications structurelles connues : l'accroissement des besoins et des demandes de soins de la population à tous les âges de la vie, l'augmentation du nombre de patients atteints de maladies chroniques, le coût croissant des nouveaux médicaments et des dispositifs médicaux innovants.

Au lieu d'organiser une véritable concertation et d'expliquer aux usagers-citoyens les enjeux et la nécessité de faire des choix partagés qui sont d'authentiques sujets de société, le gouvernement a esquivé le débat.

Les discussions menées à l'Assemblée nationale et au Sénat ont été, de ce fait, réduites, jusqu'à la dernière minute, à des enjeux de pouvoir entre gestionnaires et médecins. Spectacle pitoyable autour d'une question qui nous concerne tous.

Après une reculade immédiate sur la question des dépassements d'honoraires, source d'une aggravation de moins en moins tolérable de l'inégalité de l'accès aux soins, le gouvernement privilégie une logique assurantielle où chacun paiera en fonction de ses risques et de ses revenus, ce qui ne fera qu'accroître l'inégalité.

Tout était inscrit pour que ce désastre survienne, car on ne peut réformer l'hôpital qu'en associant l'ensemble des ministères et des institutions concernés, suivant le remarquable exemple donné par le professeur Robert Debré en 1958.

Aujourd'hui, deux projets s'opposent, sous l'oeil intéressé du ministère de l'économie : celui du ministère de la santé, centré sur la gestion de l'hôpital et qui n'offre aucune perspective de progrès médical, et celui du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui prône l'intégration du soin, de la recherche et de l'enseignement au sein des CHU, têtes de pont d'un véritable élan régional de progrès de la médecine.

Or, quel que soit le modèle, il se heurtera au mur d'une enveloppe budgétaire nationale insuffisante pour maintenir le fonctionnement des hôpitaux publics et les investissements nécessaires.

La répartition injuste des moyens basée sur une tarification à l'activité (T2A) conduit à la mise en déficit systématique de 50 % des hôpitaux publics, et à leur recul inéluctable au profit de l'hospitalisation privée, avec une augmentation du coût restant à la charge des patients.

A l'automne, le budget de la santé, et donc celui des hôpitaux, sera discuté. Désormais, c'est le directeur de l'hôpital, nommé dans les conditions que l'on a vues, qui arrêtera le budget prévisionnel, en particulier en termes d'emplois. Les commissions médicales des hôpitaux, représentant les médecins de l'hôpital, n'auront plus à se prononcer. Pas d'arbitrage, mais le risque certain d'arbitraire.

Nous revendiquons "le juste soin au juste coût", et par conséquent le contrôle public de l'efficience des dépenses. A l'inverse, nous n'acceptons pas le développement généralisé du marché de la santé, avec la recherche du profit maximum pour quelques-uns et les difficultés croissantes d'accès aux soins pour beaucoup d'autres.

Cela heurte nos convictions et nos engagements de médecins, et conduit à transformer les personnels de santé en contractuels payés à l'acte et soumis aux seules règles de la rentabilité. Le système français de santé, jusqu'alors pris en exemple, va radicalement changer. Nos concitoyens souhaitent-ils vraiment ce changement-là ?

L'ex-directeur du CHU de Caen mis en examen

L'ex-directeur du CHU de Caen mis en examen, Le Point, 2 juillet 2009

Trois mois après les révélations du Point sur les dépenses pharaoniques engagées dans son logement de fonction, Joël Martinez, 61 ans, ex-directeur général du CHU de Caen, a été déféré au parquet du tribunal de Caen le 2 juillet 2009.

Joël Martinez a été mis en examen pour abus de confiance (détournement au profit d'autrui de fonds qui ont été remis) et atteinte à la liberté et à l'égalité d'accès aux marchés publics (ex-favoritisme).

Avant même sa publication, l'enquête du Point avait provoqué la démission immédiate du directeur. Le 26 juin, le conseil d'administration du CHU a demandé à l'actuelle direction de porter plainte contre X.

La mise en examen de Joël Martinez, qui est assortie d'une demande de contrôle judiciaire, intervient au terme de 48 heures de garde à vue de ce dernier dans les locaux de la police judiciaire de Caen.

La brigade financière avait été chargée d'une enquête préliminaire par le procureur de Caen sur l'ensemble des travaux réalisés dans les logements de fonction de plusieurs directeurs de l'hôpital, à Caen et dans les communes voisines de Biéville-Beuville et Feuguerolles-Bully.

Afin de prendre la mesure de ce dossier technique, une dizaine de cadres du CHU ainsi que des responsables de l'ARH (Agence régionale de l'hospitalisation), de la DDASS et un architecte ont été auparavant entendus. Certains pendant plus de 36 heures.

Le coût des travaux est estimé à deux millions d'euros, dont 966.234 euros pour la seule maison de Joël Martinez.

Ces investissements, qui incluent une dalle de béton à 15.000 euros pour un abri de jardin à 7.000 euros et deux cuisines aménagées (27.045 euros) dans le même logement, ont été financés par un emprunt de deux millions sur 15 ans à 4,5 %. Le remboursement s'élève à 158.000 euros par an alors que, dans le même temps, le CHU affiche un déficit de 28 millions.

Pour sa défense, Joël Martinez a, par l'intermédiaire de son avocat, Me Laurent Houdart, indiqué qu'il avait été "lui-même trompé" en chiffrant personnellement les surfacturations et autres irrégularités dans son logement à 380.000 euros. Et d'évoquer l'existence d'une "nébuleuse autour des marchés publics au sein du CHU."

Réponse du procureur, François Nicot : "la législation sur les marchés est certes complexe, mais elle permet la concurrence et évite les surfacturations. Si M. Martinez avait appliqué la réglementation, on ne l'aurait pas surfacturé, sauf en cas d'entente illicite".

CMU: 4,2 millions de bénéficiaires

CMU: 4,2 millions de bénéficiaires, Le Monde, 1 juillet 2009

CMU. La couverture-maladie universelle, créée par la loi du 27 juillet 1999, permet de faire bénéficier de l'assurance-maladie obligatoire les plus défavorisés (dont les revenus mensuels sont inférieurs à 621 euros). Elle est complétée par la CMU Complémentaire (CMU-C), qui offre une couverture équivalente à une mutuelle de niveau moyen.

Bénéficiaires. Au 31 décembre 2008, 4,2 millions de personnes bénéficiaient de la CMU-C en métropole et outre-mer. Ces patients peuvent accéder au système de soins, public ou privé, sans avance de frais, le tiers payant étant de droit. Le professionnel de santé est payé par l'assurance-maladie, doit respecter les tarifs conventionnels et ne peut appliquer de dépassement d'honoraires.

A Paris, 25 % des médecins refusent des patients bénéficiant de la CMU

A Paris, 25 % des médecins refusent des patients bénéficiant de la CMU, Le Monde, 1 juillet 2009

La capitale n'est pas une terre d'accueil pour les malades les plus pauvres. Selon une étude rendue publique, mercredi 1er juillet, par le Fonds de financement de la couverture maladie universelle (CMU), un professionnel de santé sur quatre exerçant à Paris (25,5 %) refuse de soigner les patients les plus défavorisés.

Réalisée par testing auprès d'un échantillon de 900 dentistes, médecins généralistes et spécialistes, cette enquête confirme la réalité des pratiques de discrimination envers les bénéficiaires de la CMU. Elle souligne également "les véritables difficultés d'accès aux soins" des plus démunis à Paris, ville où plus de la moitié des praticiens (58 %) appliquent le dépassement d'honoraires.

C'est la seconde fois que le Fonds relève, par testing, l'existence de refus de soins envers les patients CMU. Réalisée dans le Val-de-Marne, en 2006, une première étude avait montré que ces pratiques concernaient 41 % des médecins spécialistes et 4,8 % des généralistes. L'enquête effectuée à Paris fin 2008-début 2009 fait apparaître des résultats plus contrastés. Les refus de soins concernent ainsi un tiers des dentistes (31,6 %) et près d'un médecin généraliste sur cinq (19,4 %), soit des taux importants pour des soins de premier recours. Les gynécologues médicaux et les ophtalmologues sont les plus concernés (38 % et 28 %). Seuls les radiologues se distinguent avec un taux de 5 % de refus.

L'enquête parisienne a consisté à demander un rendez-vous par un acteur qui se faisait passer pour un patient CMU. En cas de refus, un autre comédien appelait, sans donner de précision sur son statut, pour vérifier si le refus concernait spécifiquement les bénéficiaires CMU. La majorité des réponses est "sans ambiguïté", qu'il s'agisse d'un "oui" franc ou d'un refus sans appel, type "non, le docteur ne prend pas la CMU". Un médecin contacté s'exclame : "Je ne prends pas ça !" Un autre : "La CMU, je cours pas après !" Les refus de soins se déclinant sans ambages, les auteurs de l'étude font l'hypothèse que beaucoup de praticiens connaissent mal la loi et ignorent se placer dans l'illégalité en refusant un patient CMU.

Malgré cette franchise, "les praticiens justifient souvent leur attitude de refus, même s'il ne leur est rien demandé, ce qui en soi suggère un certain sentiment de malaise". La première raison invoquée est la lourdeur administrative et la "paperasse" qu'impliquerait la prise en charge des patients CMU : ces derniers ne payant pas leur consultation, le remboursement du médecin s'effectue par l'assurance-maladie, ce qui peut prendre du temps si le praticien n'est pas informatisé. Parmi les généralistes, le taux de refus de patients CMU varie ainsi de 1 à 5 selon qu'ils sont ou non équipés d'un terminal carte Vitale.

"MAUVAIS PAUVRES"

Mais la principale raison du refus reste financière : les patients CMU ne pouvant se voir infliger un dépassement d'honoraires, les prendre en charge constitue un manque à gagner pour les médecins de secteur 2. "Dans bien des cas, les refus ne sont pas opposés à une catégorie de patients, mais bien à leur capacité à payer des dépassements d'honoraires ou une prothèse aux tarifs pratiqués par les dentistes", soulignent les auteurs. Ainsi, si le patient accepte de "payer" le prix affiché, il obtient un rendez-vous. "Ce genre de situation n'est pas exceptionnel", affirme l'étude.

Plus globalement, l'étude souligne une difficulté, pour les praticiens, à intégrer l'esprit de la loi de 1999 créant la CMU et qui avait substitué une logique de droits à la logique de charité. Pour beaucoup de professionnels de santé, bénéficier de la CMU ne va pas forcément de soi, encore faut-il le mériter. L'étude souligne ainsi qu'avant d'accorder un rendez-vous, certains praticiens opèrent "un tri en fonction de ceux qui seraient des "bons pauvres" ou des "mauvais pauvres". D'autres tentent de renvoyer les patients CMU à l'hôpital public : avec l'idée qu'il s'agit là d'un lieu pour les plus défavorisés, les cabinets de ville étant réservés aux "autres patients"."


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Pour lire l'enquête : www.cmu.fr.
Cécile Prieur

Réforme des hôpitaux : le PS dépose un recours devant le Conseil constitutionnel

Réforme des hôpitaux : le PS dépose un recours devant le Conseil constitutionnel, Le Monde, 2 juillet 2009

Le Parti socialiste a déposé, jeudi 2 juillet, un recours contre le projet de loi de réforme de l'hôpital adopté le 24 juin par le Parlement. Les parlementaires socialistes estiment notamment que le texte porte atteinte au principe d'égalité et de droit à la protection de la santé. Ils demandent l'invalidation de plusieurs "cavaliers législatifs", qui selon lui n'ont rien à voir avec le texte initial. Le texte final comprend "quatre fois plus de dispositions que le projet de loi initial", explique le PS dans son recours.

Le PS conteste, en outre, la validité d'un "objet législatif non identifié voté par l'Assemblée nationale selon une procédure constitutionnelle différente de celle applicable au moment de son examen par le Sénat". Le texte a en effet été examiné selon la nouvelle procédure législative au Sénat et selon l'ancienne procédure à l'Assemblée.

Le texte adopté par le Parlement comprend quatre grands volets : gouvernance de l'hôpital, accès aux soins, prévention et santé publique, création des agences régionales de santé (ARS). Le projet de loi intitulé "Hôpital, patients, santé, territoires" vise à lutter contre les "déserts médicaux" en incitant les médecins à s'installer dans les "zones déficitaires". Après une forte mobilisation du milieu médical, de nombreuses dispositions avaient été ajoutées au texte voté par les députés, durant son examen au Sénat.

Le rêve de Guillaume Sarkozy

Le rêve de Guillaume Sarkozy, Pierre LARROUTUROU, 2 juillet 2009
http://crise-europe.blog.lemonde.fr/2009/07/02/le-reve-de-guillaume-sarkozy/

Connaissez-vous Guillaume Sarkozy ? C’est un des frères de Nicolas. C’est aussi le DG de Médéric, un groupe d’assurance-santé, assurance-retraite… Il y a quelques années, Guillaume dirigeait une entreprise de textile. Mais il a cessé cette activité et s’est reconverti dans l’assurance santé. C’est plus rentable. D’autant que Guillaume a des projets pour développer son affaire et il connaît quelqu’un de haut placé, qui peut l’aider à réaliser ses projets.

Il y a trois ans, dans La Tribune, Guillaume Sarkozy expliquait qu’il fallait s’attendre « à des bouleversements majeurs dans le domaine de la santé. La réforme Douste-Blazy n’a pas eu le succès escompté en ce qui concerne les équilibres financiers. D’autres réformes seront nécessaires. Elles donneront aux assureurs complémentaires un rôle de plus en plus important.»

Sans trahir de secrets de famille (qu’est-ce que Nicolas a promis à Guillaume en coupant le gigot dominical ?), on voudrait en savoir plus : quels sont les “bouleversements majeurs” auxquels il faut s’attendre en matière de financement de la santé ? La “petite” franchise que Nicolas Sarkozy a créée en début de mandat n’est-elle qu’un premier pas vers de gros déremboursements ?

Pour développer un business très profitable pour certains, le gouvernement va-t-il diminuer les remboursements et le niveau des retraites, et inciter ceux qui le peuvent à se tourner vers des assurances privées ?

Certains Sarkozystes fervents vont m’accuser de faire à Nicolas et Guillaume un procès d’intention. Mais dans son édition du 4 juin 2008, Le Monde faisait état d’un document confidentiel qui permettait de bien comprendre les intentions de Guillaume Sarkozy :

« La Caisse des Dépôts, la CNP et le groupe de protection sociale mutualiste Médéric, qui est dirigé par Guillaume Sarkozy, frère du chef de l’Etat, veulent créer une filiale commune spécialisée dans le financement des retraites.

Les discussions autour de la Loi Fillon, prévues cet été, les incitent à aller vite. Un document de travail daté du 16 mai et estampillé “confidentiel”, relève que, en 2020, les non-cadres subiront une baisse de 5 % du taux de remplacement pour une carrière complète et les cadres subiront une baisse de 20 %.

Les grandes lignes de ce projet de partenariat sont posées : la création d’une “nouvelle entreprise d’assurance“, qui proposera “un bilan retraite et des services adaptés, en phase d’épargne (…) et au moment de la retraite“ aux salariés. L’objectif est d’atteindre un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros en 2019. Les futurs partenaires se fixent “des taux de rentabilité raisonnables sur le long terme.“

Le Monde du 4 juin 2008



Un grand nombre de médecins, de professionnels de santé et d’associations de malades disent aujourd’hui leur inquiétude. Car les propos de Guillaume Sarkozy ne sont pas les seuls à inquiéter : en septembre 2006, quand Les Echos demandaient à François Fillon si les problèmes de dépendance des personnes âgées ne devraient pas être mieux pris en charge par la Sécurité Sociale, François Fillon expliquait que “la bonne piste est de compléter le système actuel avec des dispositifs d’assurance privée“.

Et tout récemment encore, Nicolas Sarkozy rappelait sa volonté de réformer les retraites et sa volonté de “développer d’autres formes de protection“ :

« C’est une révolution discrète mais profonde du système de santé qu’a esquissée Nicolas Sarkozy, jeudi 4 juin. (…) M. Sarkozy a affirmé qu’à l’avenir “les régimes de base ne pourront pas tout financer”.

“Je souhaite que soient confiées de nouvelles responsabilités aux organismes complémentaires”, a expliqué le chef de l’Etat, qui confirme ainsi son intention de parvenir à un désengagement progressif de l’assurance-maladie obligatoire (…).

“La solidarité nationale continuera de remplir sa mission, a prédit le chef de l’Etat. Mais à ses côtés, d’autres formes de protection sont appelées à se développer.”

Le Monde du 4 juin 2009



Aux Etats-Unis, le modèle de Nicolas Sarkozy, les dépenses de santé sont deux fois plus importantes qu’en France (en proportion du PIB) mais l’essentiel de ces dépenses ne sont pas remboursées par l’Etat. C’est aux individus de s’assurer. Du coup, malgré des dépenses de santé deux fois plus importantes que les nôtres, l’espérance de vie est plus faible aux Etats-Unis qu’en France car des millions d’Américains n’ont pas de quoi se faire soigner et meurent prématurément.

Le système est très profitable pour les dirigeants et les actionnaires des sociétés d’assurance mais «47 millions d’Américains n’ont aucune protection sociale et les problèmes de santé sont la première cause de faillite personnelle » expliquait le correspondant à New York du journal Les Echos le 6 novembre 2006. Quand ils ont un gros problème de santé, tous ceux qui n’ont pas de couverture sociale doivent vendre le peu qu’ils ont et s’endetter plus que de raison… Est-ce vers ce modèle que veut nous amener Nicolas Sarkozy ? Tant pis pour ceux qui n’auront pas les moyens de s’assurer !



Une question de dignité

Pour moi, ce point est fondamental. Il ne s’agit pas seulement d’économie dans le sens classique du terme. Avec les questions de santé, de retraite et de dépendance, on touche à la dignité humaine dans ce qu’elle a de plus concret : mon père est mort il y a quelques années après avoir vécu un mois dans une unité de soins palliatifs où tout a été fait pour éviter qu’il ne souffre. Il y a été admis sans qu’on lui pose aucune question sur son niveau de revenu.





Si Nicolas Sarkozy et ses alliés mettent en place un système de retraite et un système de santé à l’américaine, seuls les plus riches pourront avoir une fin de vie digne. Les autres, ceux et celles qui auront déjà galéré toute leur vie avec de faibles revenus, seront relégués dans des mouroirs ou des hôpitaux de seconde classe.

En matière de retraites et de santé, quels sont vraiment les projets de Guillaume et de Nicolas Sarkozy ? On a vu hier que, si l’on s’attaquait vraiment au chômage et si l’on rééquilibrait le partage salaires/bénéfices, on pourrait dégager de nouvelles marges de manœuvre pour financer la protection sociale. On aimerait que le Parlement organise un débat transparent sur cette question fondamentale.



Pierre LARROUTUROU est économiste.