mardi 12 août 2014

Affaire du Mediator

Le Mediator

Le benfluorex (ou Mediator) a été mis au point par les laboratoires Servier. C'est un médicament présenté comme un antidiabétique utilisé comme coupe-faim, qui a été commercialisé à partir de 1976. Jusqu'à son retrait en 2009, 145 millions de boîtes ont été vendues et plus de 5 millions de personnes en ont consommé en France.

Il est un voisin de la dexfenfluramine. La dexfenfluramine a été commercialisée par les laboratoires Servier sous le nom d'"Isoméride" ou de "Redux". Il s'agit d'une substance active médicamenteuse aux propriétés anorexigènes (effet « coupe-faim ») qui agit directement sur les récepteurs sérotoninergiques du système nerveux central. Il s'agit d'un énantiomère S(+) de la fenfluramine, ou isomère dextrogyre de la fenfluramine. Tout comme la fenfluramine, elle fait partie de la famille des amphétamines et des phényléthylamines, d'où son effet « coupe-faim ».

 Largement commercialisée dans les années 1980, elle a été retirée du marché à la fin des années 1990 en raison d'effets secondaires graves, notamment des valvulopathies cardiaques et de l'hypertension artérielle pulmonaire. Ces effets sont provoqués par la norfenfluramine, qui est une métabolite tant de la dexfenfluramine que de la fenfluramine (commercialisée sous le nom de Ponderal, Ponderax...) ou encore du benfluorex (commercialisé sous le nom de Mediator).

Alertes

Les premières alertes à propos du benfluorex, principal composant du Mediator, sont apparues au cours des années 1990. Il est interdit dans les préparations en pharmacie dès 1995 mais le Mediator, lui, reste alors en vente en France, tandis qu'il est successivement retiré par Servier du marché en Suisse (1998), en Espagne (2003) ou encore en Italie (2004),"pour des raisons commerciales", argue le groupe.
La France, elle, tarde. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ne publie d'abord en 2007 qu'une simple recommandation de ne pas prescrire le Mediator comme coupe-faim. Mais une pneumologue de Brest, Irène Frachon, alerte l'Afssaps en février 2007 sur les risques d'accidents cardiaques liés à la consommation du médicament. Ce dernier est retiré de la vente le 30 novembre 2009. 
Les études et les rapports
Une étude réalisée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) à partir de cas d'un million de diabétiques conclut en octobre 2010 à une multiplication par quatre du nombre de valvulopathies chez les patients traités avec le Mediator.
Dans un rapport rendu public le 15 janvier 2011, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) attribue au laboratoire Servier une "responsabilité première et directe", selon les mots du ministre de la santé de l'époque, Xavier Bertrand. Les trois inspecteurs auteurs du rapport identifient "dès l'origine, une stratégie de positionnement du Mediator par les laboratoires Servier en décalage avec la réalité pharmacologique de ce médicament". Ils mettent également en cause les dysfonctionnements du système de santé, qui a continuellement validé le Mediator "en dépit d'alertes nombreuses et répétées".
Bilan
Le bilan exact des morts imputables au Mediator s'annonce impossible à établir. 
Le 16 novembre 2010, l'Afssaps estime à 500 le nombre de patients décédés et à 3 500 le nombre d'hospitalisations à cause du médicament Servier, après une étude portant sur une courte période. 
Une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l'épidémiologiste Agnès Fournier, portant elle sur la période 1976-2009 (début et fin de la commercialisation du Mediator) et publiée en février 2012, chiffre le bilan à 1 300 morts et 3 100 hospitalisations, précisant qu'"il s'agit vraisemblablement d'une sous-estimation". 
Pour évaluer la mortalité, les chercheurs ont retenu une étude américaine montrant qu'en cas d'atteinte valvulaire modérée à sévère, le risque de décès prématuré était de 43 %.
AFSSAPS et ANSM
C'est à la suite de ce rapport que le Parlement adopte en décembre 2011 une réforme du contrôle des médicaments, prévoyant notamment une meilleure transparence sur les relations entretenues entre les professionnels de la santé et les laboratoires pharmaceutiques.
Très décriée pour son (non-) rôle dans le scandale du Mediator, l'Afssaps est transformée en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), aux pouvoirs accrus. Le siège de la Direction générale de la santé (DGS), à Paris, fait l'objet d'une perquisition en octobre 2012.
Le 19 mars 2013, l'Agence du médicament (ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) est mise en examen pour"homicides et blessures involontaires", soupçonnée d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du médicament de 1995 à 2009.








Affaire du Médiator - La procédure

Mises en examen

Jacques Servier, président fondateur des laboratoires du même nom, Alain Le Ridant, directeur général délégué et pharmacien en chef du groupe, ainsi que trois responsables de Biopharma, l'une des filiales des laboratoires, doivent comparaître en juin 2014 devant le tribunal de Nanterre pour répondre des faits de "tromperie aggravée" pour avoir commercialisé de 1976 à 2009 le Mediator, un médicament accusé d'avoir déjà causé des centaines de morts en France
Jacques Servier
Jacques Servier avait par ailleurs été mis en examen, mardi 11 décembre 2012, pour "homicides et blessures involontaires" dans le cadre de la procédure menée par le parquet de Paris dans un des volets judiciaires de l'affaire du Mediator. Cette enquête devrait être beaucoup plus longue que la première, car les juges doivent établir un lien entre la prise de Mediator et les dommages physiques subis par chaque victime.

Jacques Servier a comparu le 14 mai 2012 au tribunal de grande instance de Nanterre après une citation directe pour "tromperie aggravée". Mais il n'a pas encore été jugé car le tribunal a reporté le procès et transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense et portant sur la recevabilité de la citation directe à Nanterre alors qu'une enquête pour les mêmes faits était en cours à Paris. Une autre QPC, portant sur le délai des prescriptions des faits a en revanche été rejetée. La Cour de cassation ayant décidé le 22 août de ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, le procès a repris mardi 21 mai près d'un an après le renvoi de la première audience.

Laboratoires Servier

Les laboratoires Servier et leur fondateur sont poursuivis dans deux procédures : une conduite depuis le parquet de Paris, l'autre, depuis celui de Nanterre.

Jacques Servier, ainsi que les quatre anciens cadres de Servier et sa filiale Biopharma jugés à ses côtés à Nanterre, encourent quatre ans de prison et une amende de 75 000 euros. En tant que personnes morales, Servier et Biopharma encourent une amende de 375 000 euros ainsi qu'une interdiction d'exercer.

A Paris : deux informations judiciaires contre X ont été ouvertes en février 2011 pour "tromperie aggravée et prise illégale d'intérêts" ainsi que pour "homicides involontaires", avant que le parquet n'ajoute une nouvelle charge en août de la même année, pour "escroquerie". Cette dernière fait suite à la plainte de la Sécurité sociale, qui a chiffré à 1,2 milliard d'euros le préjudice lié aux remboursements du médicament.

C'est dans le cadre de cette procédure que Jacques Servier, déjà mis en examen pour "tromperie" et "escroquerie" avec six sociétés de l'entreprise, a de nouveau été inculpé pour "homicides et blessures involontaires" en décembre 2012. 

Le second volet de cette affaire concernant les homicides involontaires vise le cas de deux victimes, tandis qu'une quarantaine de cas sont visés pour les blessures involontaires par manquement délibéré, dont quatorze ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, a-t-on ajouté. 

A Nanterre : jugeant que le rapport accablant de l'inspection des affaires sociales (IGAS) rend inutile une longue enquête judiciaire, quelque 600 victimes ont choisi la procédure de la citation directe, qui permet de faire juger un délit au tribunal correctionnel sans passer par une enquête d'un juge d'instruction ou d'un procureur de la République – tout en ayant assez d'éléments pour prouver la culpabilité du ou des prévenu(s). 

C'est ainsi que Jacques Servier a comparu le 14 mai 2012 au tribunal de grande instance de Nanterre après une citation directe pour "tromperie aggravée". Mais il n'a pas encore été jugé car le tribunal a reporté le procès et transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense et portant sur la recevabilité de la citation directe à Nanterre alors qu'une enquête pour les mêmes faits était en cours à Paris. Une autre QPC, portant sur le délai des prescriptions des faits a en revanche été rejetée. La Cour de cassation ayant décidé le 22 août de ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, le procès a repris mardi 21 mai près d'un an après le renvoi de la première audience.

Indemnisation des victimes

Après l'ouverture d'une enquête préliminaire, le groupe Servier s'est dit prêt, en février 2011, à consacrer 20 millions d'euros à l'indemnisation des victimes. Une proposition jugée "inacceptable" par le ministre de la santé, Xavier Bertrand, qui a alors déploré que le laboratoire pose comme condition aux victimes de renoncer à leurs poursuites. 

Un fonds public d'indemnisation, géré par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), est créé en août de la même année. Il est aussitôt assailli de demandes : début décembre 2012, quelque 7 500 dossiers ont été déposés. Mais les associations d'aide aux victimes dénoncent une "lenteur". Fin avril, 152 avis favorables ouvrant la voie à une indemnisation ont été rendus par l'Oniam. En cas de double procédure, devant l'Oniam et auprès d'un tribunal civil, le plaignant ne pourra percevoir in fine qu'une seule indemnisation.

Références

- http://abonnes.lemonde.fr/sante/article/2012/12/12/affaire-du-mediator-le-point-si-vous-avez-rate-un-episode_1804954_1651302.html