mardi 17 mai 2011

Très chers médecins spécialistes

Libération, 18 mai 2011

Alors qu’à droite comme à gauche, on s’alarme sur les inégalités de santé, rien n’est fait pour encadrer les dépassements d’honoraires en médecine de ville, qui touchent singulièrement ceux qui ont des petites mutuelles.

Hier, l’assurance-maladie a encore tiré la sonnette d’alarme sur leur forte progression, pointant particulièrement le cas des spécialistes. Les chiffres sont sans appel.

En 2010, un médecin sur quatre exerce désormais en secteur à honoraires libres, dit «secteur 2». Cette proportion monte à plus de 4 sur 10 parmi les spécialistes. 85 % des chirurgiens sont en secteur 2 ; 50 % des ORL, des ophtalmologistes ou des gynécologues. Au plan géographique, les dépassements sont davantage constatés dans la région parisienne, dans les Alpes-Maritimes et le Rhône.

Enfin, le niveau des dépassements augmente fortement : en trente ans, il a plus que doublé. En 2010, le montant des honoraires remboursables s’est élevé à 18,4 milliards d’euros et les dépassements à 2,5 milliards d’euros.

E. F.

"Développement excessif" des honoraires libres chez les médecins spécialistes

Le Monde, 17 mai 2011

De plus en plus de médecins choisissent d'exercer en honoraires libres, et les taux de dépassement sont de plus en plus élevés. La sonnette d'alarme a beau avoir été tirée à maintes reprises sur les freins à l'accès aux soins que constituent les dépassements d'honoraires, ce mode de rémunération s'ancre profondément dans le système de santé français, démontre une étude présentée mardi 17 mai 2011 par l'assurance-maladie, qui s'en inquiète.

Désormais, les nouveaux médecins qui s'installent sont bien plus nombreux à décider de pratiquer des dépassements.

En 2010, parmi les spécialistes, six sur dix ont fait ce choix, contre "seulement" quatre sur dix pour ceux déjà en exercice. Ce qui laisse présager un renforcement, à l'avenir, du nombre de médecins inscrits en "secteur 2", c'est-à-dire ceux qui pratiquent des honoraires libres et non pas les tarifs de la Sécu.

Le différentiel est très élevé chez les anesthésistes, avec 66% des nouveaux installés optant pour le secteur 2, contre 34% pour l'ensemble de la spécialité.

L'an dernier, 82% des installations de gynécologues se sont faites en secteur 2, 84% pour les ORL, 63% pour les ophtalmologues.

Lancé en 1980, pour éviter à la Sécurité sociale d'augmenter les tarifs des consultations tout en permettant une hausse de la rémunération des médecins, le secteur 2 a remporté un tel succès que face à la difficulté, déjà, de trouver un praticien au tarif de base, il a été décidé d'en limiter l'accès en 1990.

Le secteur a alors été réservé aux plus diplômés (anciens assistants des hôpitaux, chefs de clinique, praticiens hospitaliers).

2,5 MILLIARDS D'EUROS EN 2010

Mais vingt ans plus tard, après une baisse des effectifs de praticiens en tarif libre, ce sont désormais des niveaux de 1990, voire bien au-dessus, que l'on retrouve dans certaines spécialités, comme les chirurgiens, les anesthésistes ou les gynécologues.

Si, aujourd'hui, 24% des médecins pratiquent des dépassements d'honoraires, contre 31% en 1990, chez les généralistes, qui n'ont plus accès au secteur 2, on n'en compte plus que 11%.

En revanche, chez les spécialistes, les effectifs en honoraires libres, après être redescendus à 37% en 2000, sont remontés à 41% en 2010. Soit quasiment le même niveau qu'avant la réforme du secteur 2.

La barre des 50% est souvent dépassée, par exemple chez les ORL, les ophtalmologues ou les gynécologues, et surtout les chirurgiens, qui atteignent désormais les 85% !

Autre tendance lourde relevée par l'assurance-maladie : l'augmentation du niveau des dépassements d'honoraires, qui ont représenté 2,5 milliards d'euros en 2010, dont 2,1 milliards pour les spécialistes.

Pour ceux-ci, entre 1985 et aujourd'hui, le taux de dépassement (rapporté aux tarifs de la Sécurité sociale), a été multiplié par plus de deux, passant de 23% à 54%. Soit une facture à 154 euros pour un acte remboursé 100 euros.

Depuis 2005, la hausse se tasse, mais elle est continue. Les taux sont les plus élevés chez les pédiatres (64%), les ophtalmologues (60%), les chirurgiens (56%) et surtout les obstétriciens (83%).

MÉDECINE À DEUX VITESSES

Les régions sont très diversement touchées par ce double phénomène, les zones où la population est la plus aisée étant cependant principalement concernées.

Ainsi en région parisienne, 90% des spécialistes pratiquent des dépassements, et leurs taux atteignent 150% des tarifs de la Sécu ! Même si les complémentaires de santé peuvent prendre les dépassements en charge, il faut savoir que 40% des contrats les excluent, et que 7% des Français n'ont pas de mutuelle.

L'essor des dépassements favorise donc bien la médecine à deux vitesses. Les médecins, qui préfèrent parler de "compléments d'honoraires", refusent cependant d'être jugés responsables, rappelant à l'envi que la hausse est due au fait que les tarifs de base, si peu augmentés par l'Assurance-maladie, ne permettent plus d'exercer.

Le phénomène, cependant, inquiète certains syndicats.

"Ce n'est plus supportable pour la population, et c'est un vrai problème pour les généralistes, qui ne trouvent plus facilement des spécialistes à un tarif acceptable par leurs patients, relève Claude Leicher, pour MG France. Les dépassements étaient auparavant un problème pour une petite partie de la population, mais aujourd'hui, même des personnes gagnant leur vie peuvent ne pas pouvoir assurer, ponctuellement, une dépense très élevée."

Face à ce "développement excessif" du secteur 2, l'assurance-maladie appelle à une "réforme structurelle du système". Depuis trente ans, aucun gouvernement n'a fait de réelle proposition de réforme.

En 2007, lors des débats sur la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), les politiques avaient renoncé à s'attaquer au secteur 2, face à la colère des médecins.

L'idée avait alors émergé d'une solution médiane, le "secteur optionnel", dont la naissance est au centre des discussions actuelles entre médecins et Assurance-maladie pour la prochaine convention médicale.

Les médecins qui s'inscriraient dans ce troisième secteur, entre le secteur 1 (tarifs de la Sécu) et le secteur 2, s'engageraient à réaliser 30% de leurs actes au tarif opposable, et à facturer les 70% restants avec des compléments d'honoraires ne dépassant pas 50% de ce tarif.

Il est prévu qu'il concerne, dans un premier temps, les chirurgiens, les anesthésistes et les obstétriciens, mais l'idée et d'ensuite l'étendre.

Laetitia Clavreul

mercredi 11 mai 2011

L'AP-HP vise 100 millions d'euros de déficit en 2011

| Le Figaro | 10/05/2011 |

Ce résultat marquerait une stabilisation par rapport à 2010, malgré un «handicap de départ» de 71 millions d'euros, selon la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Un millier de postes sera supprimé.

L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) affichera cette année un déficit de 100 millions d'euros. À condition que l'État débloque les crédits votés mais gelés pour le moment, pour contrebalancer un éventuel dérapage des dépenses nationales de santé - faute de quoi, ce sont environ 35 millions d'euros supplémentaires qui manqueraient à l'appel.

En 2010, le «trou» du plus gros CHU de France a été de 102 millions (115 millions en tenant compte d'éléments exceptionnels liés à un nouveau système comptable). En 2009, il atteignait 95 millions.

La stabilité, voire la dégradation envisagée pour 2011, pourraient susciter le découragement du personnel, qui a le sentiment d'être largement mis à contribution pour rééquilibrer les comptes: un millier de postes sur 92.000 sera supprimé cette année (essentiellement administratifs et logistiques, les effectifs infirmiers et médicaux restant inchangés), après 900 en 2010.

Consciente de ce risque, la direction - qui a présenté ces chiffres mardi aux médecins, avant de le faire aux autres représentants du personnel dans une dizaine de jours - s'attache à montrer que, malgré les apparences, l'AP-HP est sur la bonne voie.

D'abord en soulignant que la tendance est conforme à celle inscrite dans le plan stratégique 2010-2014, voire un peu meilleure. Ensuite en rapportant le déficit annoncé au montant total du budget 2011, qui frôle 6,5 milliards d'euros (les chiffres restent à confirmer, l'Assistance publique attendant encore des éléments de l'Agence régionale de santé pour boucler définitivement ses prévisions).

Enfin en expliquant que, si les montants versés par l'Assurance-maladie à l'AP-HP, pour chaque acte effectué, n'avaient pas été réduits depuis 2010, le déficit 2011 serait moins élevé de 71 millions d'euros.

Ce durcissement, que la direction juge «sans précédent», est en partie commun à tous les hôpitaux et en partie spécifique à Paris, qui historiquement bénéficiait d'enveloppes plus élevées que les autres établissements publics pour une prestation identique.

Cette «convergence» sera derrière l'AP-HP en 2012, ce qui devrait faciliter le retour à l'équilibre financier fin 2012, objectif auquel la direction ne renonce pas.

Plus de 500 millions d'investissements

Cela passera par des efforts supplémentaires. La nouvelle directrice générale, Mireille Faugère, a changé de méthode pour y parvenir: elle a fixé des objectifs à chacun des 12 groupes hospitaliers qui composent l'AP-HP, les laissant libres de proposer les mesures pour y parvenir, plutôt que de les imposer du siège.

Résultat pour 2011: un cocktail un tiers d'économies/deux tiers d'activité donc de recettes supplémentaires (2000 séjours chirurgicaux additionnels, 6000 séjours en médecine, 400 en obstétrique… en regagnant des «parts de marché»).

En outre, 16 projets vont être lancés pour «copier», au sein même de l'AP-HP, l'organisation des services les plus efficaces, en matière de prise de rendez-vous, de taux d'utilisation des blocs opératoires, de développement de la chirurgie ambulatoire, ou encore de conditions de travail et d'absentéisme.

Dernière caractéristique du budget 2011: des investissements en léger recul sur la maintenance et la mise aux normes (240 millions d'euros, entièrement autofinancés) mais au moins maintenus sur les «grands projets» (270 millions financés par l'emprunt).