mercredi 17 février 2010

Pour gagner plus ? Soyez un homme, financier, médecin ou pilote de ligne

Libération, 17 février 2010

Dans les cinq ans qui ont précédé la crise, les salaires ont baissé à l’hôpital et augmenté moins vite dans la fonction publique que le privé, selon l’édition 2010 de référence de l’Insee sur les salaires, publiée mercredi.

Entre 2002 et 2007, dans le secteur privé et semi-public, «la reprise du chômage amorcée en 2001 a pesé sur les salaires», avant «un début d’amélioration en 2005 (…)», selon l’Insee qui chiffre à +0,6% par an en moyenne la hausse du salaire net annuel moyen sur la période pour les personnes travaillant à temps complet.

Sur la décennie 1996-2007, le salaire moyen a augmenté plus sensiblement en bas de la hiérarchie salariale (grâce au Smic) et en haut (grâce aux primes de performance et compléments en fonction de la conjoncture, notamment en 2007) mais il «a stagné en son milieu».

Dans le secteur public, qui représente 20% de l’emploi total en France, les salaires ont progressé entre 2002 et 2007 de +0,5% en moyenne par an dans les collectivités territoriales. Ils ont stagné pour les agents d’Etat (+0,1%) et baissé à l’hôpital (-0,3% par an).

Dans le privé, les femmes gagnent 19,1% de moins que leurs collègues masculins et l’écart salarial «est resté pratiquement inchangé» sur 2002-2007. La différence hommes-femmes est moins marquée dans la fonction publique (entre 11% et 13% de moins) et est «réduite» sur la période, selon l’Insee.

En 2007, le salaire net annuel moyen était de 24.016 euros pour un temps complet dans le privé (26.930 euros dans la fonction publique d’Etat, 20.509 euros dans les collectivités territoriales, 25.900 euros dans le secteur public hospitalier). De manière générale, «la hiérarchie des rémunérations est voisine de celle des niveaux de qualifications», selon l’Insee.

La moyenne du privé cache des disparités régionales qualifiées de «fortes» (l’Ile-de-France gagne plus car il y a 30% de cadres, contre 16% en moyenne) et des différences entre les métiers allant du «simple au triple» en 2007-08.

Au bas de l’échelle, les aides ménagères, coiffeurs et esthéticiens ont un salaire médian de 1.150 euros nets par mois, et les caissiers et employés de libre-service de 1.170 euros. A plus de 80%, ce sont des femmes ou des jeunes en début de vie active.

Le salaire «médian» désigne le niveau divisant les salariés en deux parties égales: 50% gagnent moins que le salaire médian et 50% gagnent plus.

Le salaire dit «moyen» est en général plus élevé, car la moyenne est tirée par les très hauts salaires.

Selon l’Insee, les mieux rémunérés sont les médecins salariés et assimilés, dont la moitié gagnent plus de 3.200 euros net mensuels.

Cadre commercial (2.950 euros), pilote d’avion (2.930), personnel de recherche, cadre bancaire ou de l’assurance (2.900), cadre comptables ou financiers (2.800), ingénieur (plus de 2.700 euros), cadre A de la fonction publique (2.700): voici les métiers qu’il faut viser pour gagner plus.

Sachant que la rémunération augmente «notablement» avec l’ancienneté et l’expérience, sauf dans l’informatique qui offre des revenus élevés aux plus jeunes.

La moitié des enseignants perçoit un salaire inférieur à 2.050 euros nets par mois, et la moitié des infirmiers et sages-femmes moins de 1.910 euros.

Le salaire médian est de 1.830 euros dans l’armée, la police et les pompiers.

Chez les ouvriers, la moitié gagne moins de 1.200 à 1.300 euros et «les augmentations dépendent des possibilités de mobilité professionnelle vers des emplois plus qualifiés», selon l’Insee.

Lire aussi

- Des évolutions salariales contrastées entre 2002 et 2007, Reuters, 17 février 2010

dimanche 14 février 2010

Entrevue avec Jean-Yves Fagon: directeur de la politique médicale à l’AP-HP

Libération - 12 février 2010

Le professeur Jean-Yves Fagon occupe le poste clé de directeur de la politique médicale à l’Assistance Publique de Paris. Il explique le plan de restructuration de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Toucher à l’AP, tâche impossible ?

Cela bouge. Depuis deux mois, l’ambiance a changé. On prend des décisions. Mais avait-on le choix ? Il y a 37 sites à l’AP-HP. Les rénover tous ? Impossible. Garder sept universités de médecine ? C’est trop. Tout le monde le sait. Ne rien faire, c’est notre mort avec la démographie médicale : des disciplines vont perdre jusqu’à 30% de leurs effectifs en cinq ans. De plus, les prises en charge ont changé : dans le cas du VIH, par exemple, on n’hospitalise quasiment plus.

Que proposez-vous ?

Une première phase avec la constitution des groupes hospitaliers (GH). Il y en aura 12. On a défini une offre de soins en trois axes : un socle d’activités indispensables dans chaque groupe hospitalier avec tout ce qu’il faut de disciplines et des plateaux techniques.

Il y a ensuite les activités hors du commun : a-t-on besoin, par exemple, de six centres de greffes hépatiques à Paris ? Peut-on les regrouper ? On va en débattre. Et entre ces deux axes, des activités sont à réorganiser.

Exemple, dans le nord de Paris : les hôpitaux Bichat et Beaujon [à Clichy) doivent être rénovés. Cela coûte moins cher de bâtir un seul hôpital, flambant neuf. Enfin, il faut coopérer avec les autres grands hôpitaux d’Ile-de-France.

Cette réforme met à mal la proximité…

Vu l’offre de soins, la question de la proximité à Paris se pose différemment. Elle est importante pour les urgences. Pour le reste, chacun est prêt à passer de l’autre côté de la Seine…

Fermer l’hôpital Trousseau, après avoir fermé l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, n’est-ce pas, de fait, diminuer la qualité de soins pédiatriques ?

On ne ferme pas Trousseau. On fait simplement le constat que l’offre de pédiatrie spécialisée est surdimensionnée. De plus, il y a un gros changement avec le développement des soins ambulatoires. Est-ce que l’on a les moyens, aujourd’hui, de garder un petit hôpital de pédiatrie spécialisé ? Nous ne le croyons pas. L’idée est donc de faire à Trousseau un important centre de néonatalogie, avec un gros service de pédiatrie générale. Et pour toutes les disciplines spécialisées, de les mettre à l’hôpital Robert-Debré où est envisagée la construction d’un autre pavillon.

Quid de l’avenir de l’Hôtel-Dieu ?

Nous avons un très beau projet. Avec un gros service d’urgence, et un grand centre de prise en charge du VIH où seront regroupés les services qui le traitaient à Cochin, à Pompidou. C’est vrai qu’il n’y aura pas d’hospitalisation conventionnelle sur le VIH à l’Hôtel-Dieu. On a besoin d’une vingtaine de lits, eh bien, il faut que les équipes se mettent d’accord pour les implanter à Cochin ou à Pompidou… Quant au reste, on ne fera plus de chirurgie ambulatoire à l’Hôtel-Dieu, les locaux ne s’y prêtant pas. Et grâce à l’aide de fonds privés, on va ouvrir un pôle de santé publique.

Mais tout cela doit-il se faire sans concertation ?

Quand j’entends que l’on a décidé tout à la va-vite, c’est faux. On en discute depuis deux ans. Aujourd’hui, ce qui peut étonner, c’est qu’on décide.

On dit que ce sont toujours les mêmes qui trinquent et jamais le siège avec ses 3 000 salariés ?

Il y aura, là aussi, des restructurations. En 2009, nous avons dû perdre 700 salariés. Le directeur a expliqué que d’ici à 2012, il pourrait y avoir une baisse de 3 000 à 4 000 postes. Tout cela est possible.

Y compris une baisse du nombre de médecins et du personnel soignant ?

Quand un service a peu d’activité, cela ne me choque pas que l’on supprime des postes médicaux. Le problème est de mettre le personnel là où il est le plus utile pour continuer d’être cet ensemble hospitalier unique en Europe.

Les hôpitaux de Paris passés au scalpel

Le personnel soignant de l’Assistance publique est abattu par les restructurations annoncées.Par ERIC FAVEREAU

Ils sont sonnés. «Evidemment, ce serait obscène de se comparer aux ouvriers de Continental, car on est protégés par notre statut. Mais on a le même sentiment d’abattement», explique, presque en larmes, une infirmière.

Menacé de voir fermer tous ses services spécialisés, l’hôpital pédiatrique Trousseau à Paris est à terre, blessé, mais aussi sous haute garde : la direction a interdit aux personnels de parler. Ces derniers hésitent. Puis se moquent des consignes.

«Vous ne vous rendez pas compte, cela fait plus de vingt ans que je suis ici, à monter une équipe de haut niveau. Et on nous dit que c’est fini», raconte une infirmière. Un jeune interne : «Je ne comprends pas. Durant mes études, on m’a dit que le progrès médical, cela existait, qu’il fallait améliorer les prises en charge. Et là, qu’est ce que je vois ? On régresse. Hier, un enfant pleurait de douleur, mais personne ne pouvait y aller.»

Le professeur Noël Garabédian, chef de service et président de la commission médicale de l’hôpital, argumente : «Je veux bien tout entendre mais qu’on nous donne des chiffres, qu’on nous explique.» Puis : «Où est la cohérence ? A Trousseau, on fait plus de 6 000 accouchements. Quand il y a eu la pose de la première pierre de la nouvelle maternité par Philippe Douste-Blazy [en 2005, ndlr], le ministre nous a dit combien c’était important que cette maternité ultramoderne soit adossée à un hôpital de pédiatrie spécialisé. Trois ans plus tard quand ladite maternité a ouvert, le nouveau ministre nous l’a répété. Et là, on nous dit l’inverse. La maternité reste, avec un grand centre de néonatalogie. Quant aux services de pédiatrie spécialisée, ils ferment.»

Et ce jeune chef de service ajoute : «Comment voulez-vous que l’on réagisse ? Cela n’a aucun sens. D’ordinaire, on restructure les hôpitaux qui ne marchent pas bien. Là, ce n’est pas le cas : plus de 23 000 consultations, plus de 2 500 opérations chirurgicales. On nous dit : "Vous irez à l’hôpital Robert-Debré !" Mais ils sont déjà débordés…»

Trousseau, sacrifié sur l’autel de la rigueur ?

Depuis que le conseil exécutif de l’Assistance publique de Paris a validé, il y a dix jours, la première phase du plan stratégique 2010-2014, c’est, en tout cas, la stupeur dans cet établissement. Mais aussi à l’Hôtel-Dieu qui devrait voir tous ses lits de chirurgie et de médecine disparaître.

L’idée de cette restructuration inédite est de regrouper les 37 sites de l’AP en 12 groupes hospitaliers. Récemment, le directeur général a confirmé une suppression de 3 000 à 4 000 postes d’ici à 2012.

Déficits

Mais toucher à l’Assistance publique de Paris, c’est toucher au saint des saints. De tous côtés, on s’agite. La semaine dernière, Nicolas Sarkozy a déjeuné avec de grands médecins parisiens. «On pensait que le président ne ferait que passer, il est resté deux heures avec nous», a raconté un des participants. «Le président m’a dit qu’il s’occupait directement du sujet», a ajouté Jean-Marie Le Guen, député socialiste, et président du conseil d’administration de l’AP-HP.

«La situation est quand même franchement délicate», nous a expliqué Claude Evin, ancien ministre socialiste de la Santé et nommé récemment directeur de la toute nouvelle agence régionale de santé d’Ile-de-France, qui a la tutelle de l’AP-HP.

«En 2009, c’est près de 100 millions de déficit, et en 2012, si on continue à ce rythme, on arrivera à près d’un milliard d’euros de déficits cumulés.»

Pour la première fois de son existence, l’AP vacille. Il est bien fini le temps où le navire amiral de l’hospitalisation française triomphait, conquérant.

«Nous sommes d’accord pour changer», dit le professeur Jean Louis Pourriat, chef du service des urgences de l’Hôtel-Dieu, «mais cela se fait sans la moindre concertation». Il montre une lettre qu’il vient d’adresser au directeur général.

Propos saignants

«Certaines méthodes, au-delà d’être inefficaces ne sont pas tolérables… Pensez-vous un seul instant que la fermeture de fait de l’Hôtel-Dieu permettra de résoudre le déficit de l’AP-HP ? Ne s’agit-il pas d’une véritable diminution de l’offre des soins ?»

Le professeur Noël Garabédian de Trousseau : «Je leur ai dit qu’après avoir fermé l’hôpital pédiatrique Saint-Vincent-de-Paul, fermer maintenant Trousseau, c’était de la folie. Qu’ils prennent bien leurs responsabilités !»

Emploi

Que va-t-il se passer ? Le plan stratégique 2010-2014 ne sera formellement adopté qu’en juin 2010. En attendant, il y a les élections régionales, peut-être des changements au ministère de la Santé.

«On crée un groupe de travail composé de conseillers de tous les groupes politiques pour discuter du plan stratégique pour 2010-2014», explique Jean-Marie Le Guen. «Pour nous, l’important est que le gouvernement lève le préalable de la question de l’emploi. On veut un recul sur ce point-là.»

Mercredi, au cours d’une visite à l’hôpital Necker, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, est restée floue sur le sujet : «Ce ne sont pas des licenciements, ce sont des non-remplacements quand des personnels partent à la retraite.» Ajoutant juste : «La décision interviendra sans doute au milieu de l’année, en juin, en juillet 2010, mais encore rien n’est bouclé.»

De son côté, le professeur Pierre Coriat, qui occupe le poste stratégique de président de la commission médicale de toute l’AP-HP, était auparavant réticent aux réformes. Mais il a voté le projet de plan stratégique et le défend : «J’ai l’impression que les choses bougent dans le bon sens. On va sauver l’efficience médicale de l’AP.»

A Trousseau, on est loin de partager ce sentiment. «Vous vous rendez compte, murmure une aide-soignante, tout cela va prendre des mois, chacun va essayer de se recaser.»

Un pédiatre : «Ce qui est terrible, c’est l’absence de geste de solidarité des deux autres hôpitaux pédiatriques de Paris, Necker et Robert-Debré. Ils ont l’air trop contents que la foudre ne soit pas tombée sur leurs têtes…»

Des élus de gauche lancent un appel pour «sauver l'hôpital public»

Libération - 14 février 2010

Les signataires de cette pétition contestent le projet de réorganisation des Hôpitaux de Paris et s'opposent aux milliers de suppressions d'emplois envisagées dans les prochaines années.

Des élus franciliens de gauche, membres des instances d'administration de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ont annoncé, ce dimanche, le lancement d'une pétition auprès de la population contre les milliers de suppressions d'emplois envisagées dans les prochaines années.

«Nous appelons chacune et chacun d'entre vous à signer cet appel pour affirmer votre soutien aux équipes de l'AP-HP qui, chaque jour, se mobilisent pour notre santé. Nous demandons solennellement au gouvernement de retirer son plan de suppression d'emplois et de donner à l'AP-HP les moyens de notre avenir», peut-on lire dans cette pétition, sur le site www.defendonslaphp.fr.

«Stratégie de pourrissement»

Parmi les premiers signataires figurent le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, également président du conseil d'administration de l'AP-HP, le député (PS) de Paris, Jean-Marie Le Guen, président suppléant, ainsi que d'autres membres élus au CA, dont des Verts et communistes, et des présidents des commissions de surveillance des établissements de l'AP-HP.

Interrogé dans le Journal du Dimanche sur le fait que cette pétition pourrait n'être qu'un texte opportuniste avant les élections régionales, Jean-Marie Le Guen a rétorqué que même le député (UMP) Georges Tron, proche de Dominique de Villepin, se mobilisait dans sa circonscription de l'Essonne. «Nous, élus, sommes vraiment inquiets par la stratégie de pourrissement adoptée par le gouvernement», a-t-il souligné.

Alors que le NPA a dénoncé, samedi, ces 3.000 à 4.000 suppressions de postes d'ici 2012, et pointé du doigt certains socialistes occupant des postes de responsabilité, dont Claude Evin (PS) et Le Guen, ce dernier s'est défendu dimanche. Il a expliqué à l'AFP que «l'hôpital est sous l'autorité du directeur général qui est lui-même sous l'autorité du ministre» de la Santé. «Le CA n'est pas celui qui tranche», a-t-il souligné, estimant que le NPA «ne connaît pas ses dossiers».

samedi 13 février 2010

Améliorer la qualité des soins - Institut Montaigne

Partie 1


Améliorer la qualité des soins 1/4
envoyé par institutmontaigne. - L'info internationale vidéo.

Partie 2


Partie 3


Partie 4

L'hôpital est-il une entreprise ?

Guy Vallancien nous montre à quel point les immenses progrès technologiques à venir vont changer le monde médical, à quel point une refonte complète de notre système de santé sera nécessaire pour s'adapter. les-ernest.fr, 19 janvier 2010


Guy Vallancien, De l'artisanat médical à l'industrie du soin
envoyé par les_ernest. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

A la manifestation - 28 avril 2009


Interview d'un Chef de service d'hôpital
envoyé par gillescatoire. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

mercredi 10 février 2010

Armand-Trousseau et l'Hôtel-Dieu se mobilisent contre le sort que leur réserve le plan de restructuration de l'AP-HP

LE MONDE | 09.02.10

Après l'émoi, la mobilisation. Opposés au départ d'une partie de leur activité vers d'autres établissements dans le cadre de la restructuration de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), les responsables médicaux d'Armand-Trousseau et de l'Hôtel-Dieu, deux établissements particulièrement visés, passent à l'action.

Les médecins de Trousseau, haut lieu de la pédiatrie de l'est parisien, viennent de lancer un blog et une pétition pour continuer à défendre leur projet, baptisé "Nouveau Trousseau".

Il a pourtant été rejeté, mi-janvier 2010, en conseil exécutif, où siègent représentants de la direction et du corps médical et où se prépare le plan stratégique 2010-2014 de l'AP-HP.

L'instance a préféré le démantèlement, même si l'hôpital proposait une restructuration, avec mutualisation des lits des divers services et réduction du nombre de bâtiments.

L'idée d'un transfert des spécialités de Trousseau à Robert-Debré et Necker, les deux autres hôpitaux pédiatriques de référence, est pour l'instant retenue.

A Necker, un nouveau pôle mère-enfant est même en cours de construction. Une visite de Roselyne Bachelot y est d'ailleurs programmée, mercredi 10 février 2010, la ministre de la santé devant y faire le point sur les chantiers massifs du plan de modernisation "Hôpital 2012".

Estimant que la transformation de Trousseau en un hôpital pédiatrique de proximité constituerait une dégradation de l'offre de soins, ses médecins devaient se réunir, mardi 9 février 2010, pour préparer une journée de mobilisation, avec personnels, artistes, patients, riverains...

"Nous devons agir avant les élections régionales, parce qu'après, ce sera râpé", explique Daniel Annequin, le porte-parole du collectif Nouveau Trousseau.

Déjà, les têtes de liste des Verts Cécile Duflot et de l'UMP Valérie Pécresse défilent au chevet de l'hôpital. Tout comme Jean-Paul Huchon (PS), qui a dénoncé des transferts dictés par "des motivations purement comptables".

Les messages du ministère de la santé et de la direction de l'AP-HP rappellent que rien ne sera tranché avant juin 2010. C'est-à-dire après la concertation préalable de tous les acteurs. Mais l'information ne rassure pas.

"Je veux que l'on me prouve que l'orientation retenue va permettre de gagner en efficience", réagit, "désespéré", le Pr Noël Garabédian, président du comité médical consultatif. Il doute de la capacité des autres sites à accueillir tous les cas difficiles de l'est parisien.

A l'Hôtel-Dieu, qui pourrait aussi perdre une bonne partie de ses activités, les interrogations sur le sort des malades sont identiques.

"Une analyse de flux a-t-elle été faite ?", demande le Pr Jean-Louis Pourriat, chef des urgences, inquiet notamment pour les SDF qui ne pourront plus y être hospitalisés. Vendredi 5 février 2010, il a lancé avec la maire PS du 4e arrondissement, dont il est adjoint, une pétition contre le "dépeçage" du plus vieil hôpital de Paris.

La restructuration et la question de l'emploi à l'AP-HP ne cessent d'inquiéter.

Lundi 8 février 2010, le Conseil de Paris a unanimement dénoncé les suppressions massives de postes envisagées, et a souhaité la mise en place d'un autre projet pour l'Hôtel-Dieu.

Une pétition, lancée par le "Mouvement de défense de l'hôpital public" en 2009, trouve, elle, un second souffle. Elle a reçu la semaine passée 80 000 signatures, et en serait à un total de 277 000.

S'il s'oppose fortement aux suppressions de postes non médicalement justifiées, le Pr Pierre Coriat, président de la Commission médicale d'établissement, le parlement de tous les médecins de l'AP-HP, rappelle que la restructuration est indispensable, même si certaines décisions sont douloureuses.

"Il faut dégager des priorités d'investissements, et procéder à des regroupements", résume-t-il.

De fait, l'institution doit retrouver l'équilibre budgétaire en 2012. Les capacités d'investissements sont limitées, et de nombreux sites sont vétustes, comme Trousseau et l'Hôtel-Dieu.

Le Nouveau Trousseau coûterait 100 millions d'euros, alors que seuls 450 millions sont prévus chaque année pour les 37 hôpitaux. Aussi chaque établissement fait-il ses comptes.

Laetitia Clavreul

L'hôpital parisien vit au rythme des recompositions

2009. Ouverture de la maternité de Bicêtre, fermeture du site de l'hôpital Broussais, transfert de l'hématologie pédiatrique de Saint-Louis à Robert-Debré.

2010. Fermeture de Saint-Vincent-de-Paul, transfert de la chirurgie digestive de l'Hôtel-Dieu à Cochin.

Entre 2011 et 2013. Ouverture des nouveaux bâtiments Buca à Tenon et Laennec à Necker.

Plan 2010-2014. Sont en discussion le transfert des spécialités pédiatriques de Trousseau, le regroupement des services d'hospitalisation de Cochin et de l'Hôtel-Dieu et la création d'un nouveau site commun pour Bichat et Beaujon à l'horizon 2020.

Bachelot détaille les derniers projets de modernisation des hôpitaux

LEMONDE.FR | 10.02.10

La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, doit détailler, mercredi 10 février 2010, les derniers projets de modernisation des hôpitaux retenus dans le cadre de la première vague du plan "Hôpital 2012", qui recevront près de 900 millions d'euros d'aides.

Au total, les aides accordées aux hôpitaux dans le cadre de ce plan lancé en 2007 s'élèvent à 2,2 milliards d'euros à l'issue de sa première étape, avec quelque six cent quarante projets retenus sur deux mille dossiers de candidature, selon le bilan que doit présenter Mme Bachelot.

85 % des investissements validés depuis 2007 sont d'ordre immobilier, tandis que 15 % concernent les systèmes d'information hospitaliers.

En termes d'aides, les établissements publics ont concentré 84,3 % des montants accordés, contre 9,8 % pour le secteur privé lucratif.

L'enveloppe totale prévue pour le plan est de 5 milliards d'euros d'aides à terme.

Le principe du plan "Hôpital 2012" est d'apporter des aides d'Etat pour cofinancer des projets de modernisation d'hôpitaux, à hauteur de 50 % en moyenne. Il s'agit notamment de rénover les bâtiments, de favoriser des regroupements d'établissements ou de services et de moderniser l'informatique.

jeudi 4 février 2010

Claude Evin : "L'AP-HP ne doit plus être gérée indépendamment de la région"

LE MONDE | 29.01.10

Les projets de réorganisation des 37 hôpitaux de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) viennent d'être dévoilés par son directeur Benoît Leclercq, qui a confirmé la suppression de 3 000 à 4 000 postes d'ici à 2012.

La restructuration se justifie, selon la direction, par la nécessité de moderniser l'institution pour adapter l'offre de soins aux progrès techniques et aux besoins de la population. Le tout en garantissant son retour à l'équilibre.

De telles perspectives ont suscité émotion et inquiétude sur l'avenir de la prise en charge des malades et la qualité des soins, notamment dans les hôpitaux Armand-Trousseau ou Hôtel-Dieu, concernés par le transfert de certains de leurs services. Le débat sur l'emploi s'est par ailleurs invité dans la campagne des régionales

Dans ce contexte, Claude Evin, le directeur de la nouvelle Agence régionale de santé (ARS), qui entrera en action le 1er avril 2010 et regroupera les organismes publics du secteur, donne sa vision de l'avenir de l'offre de soins en Ile-de-France.

Pour l'ancien ministre socialiste de la santé, l'AP-HP doit conserver sa spécificité tout en s'inscrivant dans une politique régionale de santé guidée par la "complémentarité" et l'"équité" entre hôpitaux.

La réorganisation de l'AP-HP commence à se dessiner avec, à la clé, peut-être des milliers de suppressions de postes. Que pensez-vous des décisions en cours ?

L'AP-HP réfléchit à ses options stratégiques depuis un an et demi en interne pour prévoir son organisation future. Nous entrons maintenant dans une phase de concertation avec la communauté médicale, le personnel mais aussi avec les partenaires extérieurs. Sur la question de l'emploi, je n'ai pas à m'immiscer dans des décisions internes. Mais en tant que directeur de la nouvelle ARS, j'aurai mon mot à dire sur l'offre de soins.

Ma préoccupation est qu'elle soit organisée en complémentarité avec les autres hôpitaux d'Ile-de-France, publics mais aussi privés. Il n'est plus question que l'AP-HP soit gérée indépendamment de toute considération régionale.

Faut-il y voir la fin de la spécificité de la "citadelle" AP-HP ?

Personne n'envisage de remettre en cause l'institution AP-HP. Sa spécificité demeurera : à elle seule, elle représente 50 % des publications françaises en matière de recherche. Cette excellence devra être sauvegardée et développée. Cependant, il ne faut pas oublier que sa mission est aussi d'assurer les soins de proximité qui représentent 95 % de son activité.

Le sort de l'AP-HP a toujours été réglé au niveau ministériel. Votre ARS aura-t-elle les coudées franches, au même titre que celles des autres régions ?

Les choses vont évoluer. Une tutelle conjointe sera exercée par l'ARS et les ministères de la santé et du budget sur l'AP-HP. Au regard de ce qu'elle représente, soit 90 000 emplois et plus de 6 milliards d'euros de budget, il n'est pas anormal que le gouvernement s'en préoccupe. Néanmoins, il serait illusoire de vouloir bâtir une offre de soins régionale sans un dialogue direct entre ARS et AP-HP. J'ai accepté cette responsabilité, j'entends bien l'exercer.

Quel rôle va jouer l'ARS dans la définition de l'accès aux soins des Franciliens ?

J'ai deux missions. L'une sera de veiller à ce que les moyens financiers soient répartis dans un souci d'équité. Il s'agit d'une question de justice, et de défense du service public. Le débat devra avoir lieu dans la transparence. Il existe de grandes disparités de résultats d'activité entre les établissements de l'AP-HP même et des différences importantes de moyens entre l'AP-HP et d'autres hôpitaux publics, dont l'activité est comparable.

Mais ma mission essentielle sera de garantir une bonne organisation du système. Je compte m'attacher à diminuer les inégalités d'accès aux soins, en luttant par exemple contre les déserts médicaux dans les zones rurales et les quartiers défavorisés. Ce qui est paradoxal en Ile-de-France, c'est que si globalement le niveau de santé et l'offre de soins sont excellents, les inégalités de santé, territoriales ou populationnelles, demeurent grandes. On trouve par exemple encore des cas de tuberculose ou de saturnisme dans la région.

M. Sarkozy a fixé pour objectif aux hôpitaux un retour à l'équilibre en 2012. Est-ce souhaitable ?

Quand on est attaché à la défense de la protection sociale, fondée sur la solidarité, on ne peut pas considérer le déficit comme un mode de gestion, car cela revient à mettre le système en danger. L'AP-HP doit donc traiter son déficit, car il pénalise en outre sa capacité d'emprunt, donc d'investissement. En 2009, il a été de l'ordre de 100 millions d'euros, et il s'accélère. Si aucune mesure n'est prise, son déficit cumulé s'élèvera à 1 milliard d'euros en 2012. Ce n'est pas acceptable.

Propos recueillis par Laetitia Clavreul et Cécile Prieur

mercredi 3 février 2010

Dépistage prénatal : Les marchands de risques

par Alexandra Benachi, Roland Gori, Odile Buisson... Le Monde, 25 novembre 2009


En à peine trente ans, l'échographie foetale, une technique d'EXPLORATION PAR ULTRASONS, a révolutionné la prise en charge des femmes enceintes et de leur bébé. 97,4 % des futures mères bénéficient désormais d'au moins trois échographies au cours de leurs neuf mois de grossesse.

Cependant, un rapport du Comité national technique de l'échographie de DÉPISTAGE PRÉNATAL (présidé par les professeurs Claude Sureau et Roger Henrion), remis mercredi 1er juin 2009 au ministre de la santé, déplore les DISPARITÉS dans la qualité des examens.

D'une région à l'autre, le dépistage de certaines anomalies varie sensiblement. Pour y remédier, le Comité préconise un "contrôle qualité" du matériel utilisé et de la formation des praticiens. Enfin, l'étude rapporte les difficultés auxquelles sont confrontés des PROFESSIONNELS "EN CRISE".


La santé des populations est un souci majeur des Etats modernes. Le pouvoir politique y joue sa légitimité et l'efficacité de son autorité. Et pourtant, nous le savons, il n'existe pas de science de la santé. Son périmètre est flexible, mouvant, dynamique, incertain, relatif, mêlant le subjectif au social et à l'organique. Or, si l'on prend soin aujourd'hui de sa forme et de son corps, comme naguère on se souciait de son âme, on sait aussi que la médicalisation de nos existences peut prendre très vite une tournure politique, le pouvoir et ses "experts" indiquant au peuple et aux sujets comment ils doivent se comporter pour bien se porter.

Que dire alors de certains nouveaux dispositifs sanitaires qui prétendent désormais, non plus simplement traiter une maladie ou une pathologie singulière, mais qui se soucient de dépister les risques statistiques ? Les services rendus par l'épidémiologie à la rationalité médicale sont majeurs, mais l'usage intensif des statistiques peut contenir quelques effets pervers : morale hygiéniste et police des conduites.

Ici, par exemple, on vous promet avec force publicité et effets d'annonce que l'on va rechercher des signes qui peuvent faire craindre le développement ultérieur d'une maladie à partir de bilans échographiques et biologiques de femmes enceintes, afin de prévenir les risques maternels et fœtaux que l'on détaille à l'envi aux consommatrices des suivis de grossesse, en oubliant de préciser qu'il n'y a pas de traitement préventif efficace et que si celle-ci survenait inopinément, on ne la traiterait ni moins bien, ni différemment.

En lieu et place de preuves, on convoque des comités d'experts ou un contrôle de qualité permanent. On va même jusqu'à proposer de placer, dans le carnet de santé de l'enfant à venir, des éléments importants pour son suivi médical tout au long de sa vie. En bref, l'enfant est fiché, traqué – pardon, "suivi" – dès sa conception ou presque. Et ce sont moins les patients que les actionnaires des laboratoires et des industries médicales, la carrière des chercheurs et le développement de leur laboratoire qui en seront les bénéficiaires.

Comment distinguer alors entre effets d'annonce et science rigoureuse du dépistage prénatal ? Il faut analyser la structure des livrets d'information et de recueil des données, comme des feuilles de consentement qui accompagnent ces examens de diagnostic prénatal, pour bien se rendre compte que la prévention des risques peut devenir autant un marché qu'un authentique dispositif de servitude volontaire. La peur et l'insécurité comme principes de gouvernement ne règnent pas seulement dans les banlieues. Ce sont aussi des "produits" qui circulent, s'échangent et se monnaient à une époque et dans une société où le lien social se délite et où la solitude des individus les conduit à chercher dans "La Science" un idéal sécuritaire en guise de religion.

La querelle des experts nous montre chaque jour que la prévention n'est pas la prédiction, que les normes sanitaires ne sont pas des lois scientifiques incontestables, et que le vrai ne se confond pas avec le probable. L'évidence du fait ne mérite pas qu'on le néglige. L'extension hyperbolique de quelques résultats scientifiques peut vite se transformer en une idéologie sanitaire au nom de laquelle un pouvoir peut devenir tyrannique. Et ce d'autant plus que les protocoles par lesquels ce pouvoir impose aux populations des normes de conduite passent aujourd'hui par une tentative de soumettre les professionnels à une véritable police de l'expertise. Face à cette dérive, il faut restituer toute sa valeur à la parole : favoriser les débats citoyens et les échanges entre collèges de pairs.

C'est l'avenir de la médecine française, c'est l'avenir du soin tel que nous l'aimons, qui sont en jeu et qui ne sauraient se réduire à une somme d'actes techniques segmentés et tarifés. C'est la conception de la démocratie qui se joue ici dans ce "marché des risques", démocratie que nous refusons de réduire à une administration technique et marchande, prétendument scientifique, du vivant vers laquelle inclinent nos sociétés de contrôle et de norme.

Docteur Alexandra Benachi, gynécologue-obstétricienne, MCU-PH, hôpital Antoine-Béclère, Clamart
Professeur Roland Gori, psychopathologie, Aix-Marseille
Docteur Odile Buisson, échographiste, conseillère ordinale départementale, Saint-Germain-en-Laye
Docteur Marc Althuser, échographiste, Grenoble
Docteur Laurent Bidat, échographiste, Saint-Germain-en-Laye
Professeur Danièle Brun, psychopathologiste, Paris
Professeur Dominique Cabrol, gynécologue-obstétricienne, PU-PH chef de service, hôpital Port-Royal, Paris
Professeur Pierre Delion, pédopsychiatre, PU-PH, Lille
Docteur Marie-José Del Volgo, MCU-PH, CHU Nord, Marseille
Docteur Pierre Foldès, urologue, Médecins du monde, Saint-Germain-en-Laye
Professeur René Frydman, gynécologue-obstétricien, PU-PH chef de Service, hôpital Antoine-Béclère, Clamart
Professeur François Goffinet, gynécologue-obstétricien, PU-PH, hôpital Port-Royal, Paris
Professeur Bernard Golse, pédopsychiatre, PU-PH chef de service, hôpital Necker-Enfants malades, Paris
Docteur Thierry Harvey, gynécologue-obstétricien, chef de service, maternité des Diaconesses, Paris
Professeur Jean-Marie Jouannic, gynécologue-obstétricien, PU-PH, hôpital Trousseau, Paris
Professeur Christian Laval, sociologue, Paris-X-Nanterre
Docteur Sylvain Mimoun, sexologue, Paris
Professeur Claire Nihoul-Fékété, chirurgienne pédiatre, PU-PH, Académie de médecine, Paris
Professeur Israël Nisand, gynécologue-obstétricien, PU-PH chef de dervice, Hôpitaux de Strasbourg
Serge Portelli, magistrat
Docteur Frédéric Prudhomme, président du conseil départemental des Yvelines, Versailles
Professeur Jean-François Oury, gynécologue-obstétricien, PU-PH chef de service, hôpital Bernard-Debré, Paris
Professeur Georges Vigarello, historien, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales