L'hôpital, allergique au pédégé , François Aubart, 10 avril 2009
Et voilà que les A.G. ramènent sur les bancs des amphis des cohortes de professeurs de médecine, de présidents de comité importants, de greffeurs de mains et autres fleurons de la médecine française. Comme le décrit le papier du jour d'Eric Favereau, le mouvement pour hétérogène qu'il soit prend de l'ampleur. Et voilà que ces derniers jours les motions parisiennes infusent les hôpitaux provençaux comme ceux de la Bretagne et ceux de la France des régions. Que se passe-t-il?
La Loi "HPST" a été adoptée à l'assemblée le 18 mars et sera examiné au sénat le 12 mai. Après, procédure d'urgence exige, c'est une commission mixte qui trouvera les aggiornamentos.
Alors quel est l'objet de cet incendie naissant soufflé par le joli vent de mai? Voilà un an que le président Sarkozy l'avait dit: il faut un seul patron à l'hôpital. Depuis, il l'a répété bon nombre de fois et son entourage le décline à l'envie. Finalement cet objectif est-il déraisonnable? Le directeur, chef d'établissement, détient dans la loi cette responsabilité centrale. Il faut bien que quelqu'un arbitre. Mais il y a patrons et patrons ou plutôt chefs et chefs. Après passage au parlement, la loi crée un management pour le moins musclé. Le directeur nomme tous ceux qui, médecins comme administratifs, vont être aux responsabilités essentielles. Le général nomme son état major et l'armée va avancer! C'est feindre de confondre efficacité et autoritarisme. La multiplication de contrepouvoirs est sûrement source d'immobilisme. Mais piloter l'hôpital à la hussarde en choisissant quelques docteurs complaisants pour disposer d'un vernis médical aux décisions est une erreur nuisible aux malades.
La réforme de l'hôpital se heurte à de nombreux handicaps. D'abord, l'hôpital dispose d'un corps de directeurs dont la formation fermée et étanche fragilise les recrutements et les compétences. L'hôpital c'est aussi le lieu des conservatismes dont la communauté médicale n'est pas exempte. Mais chacun sait que la véritable efficience dont l'hôpital a besoin doit reposer sur une alchimie bien particulière: il lui faut un fort investissement médico-économique des médecins, et un corps de directeur rénové. Mais voilà, quand le projet de loi s'écarte brutalement du modèle médicalisé pour un modèle de pédégé surpuissant la communauté médicale se sent renvoyée au rang d'effecteur de tâches et oscille entre révolte et désengagement.
Pour imaginer l'avenir, indiquons que deux parlementaires (Mrs Bur et Préel) ont fait adopter 2 amendements qui instaurent (dans 3 ans) une perspective de régulation de l'installation des médecins et qui, pour le second oblige les praticiens à adopter des tarifs conventionnés si la clinique où ils exercent assume des missions de service public. Et là, ce sont les jeunes, internes et chefs de clinique, qui montent au créneau. La plupart d'entre eux imaginent et préparent leur avenir loin des rivages hospitaliers. Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une remise en cause de l'existant provoque ire et contestation. Ils rejoignent les hospitaliers dans leur réprobation.
A l'hôpital, les mouvements d'importance associent de façon quasi obligatoire une mobilisation des médecins, soit avec les internes soit avec les infirmières. Les responsables le savent bien. Alors? Il faudra bien un peu bouger. Le gouvernement choisira-t-il de retirer les deux amendements Bur et Préel pour rester droit dans ses bottes sur la gouvernance hospitalière? A l'inverse, aiguilloné par les sénateurs, assouplira-t-il sa position sur le pilotage hospitalier? Une chose est sûre: à désespérer et à créer le désengagement de la communauté médicale, on aboutit à l'émergence en France d'un modèle d'hôpital de Prisunic dont le premier perdant sera le malade. Souhaitons que ce ne soit pas la solution retenue
François Aubart