vendredi 16 octobre 2015

Quels sont les médicaments les plus coûteux en France ?

Le Monde.fr | 16.10.2015 Par Chloé Hecketsweiler

http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/16/le-top-des-medicaments-les-plus-prescrits_4790672_3234.html#ImMVgjwrKRAjplEB.99

Les dépenses de « médicaments » de la France sont reparties à la hausse en 2014. Selon les chiffres publiés jeudi 15 octobre par l’Assurance maladie, elles se sont élevées à 23 milliards d’euros en 2014, soit 845 millions d’euros de plus qu’un an plus tôt. À l’origine de ce dérapage prévisible, le lancement il y a un an d’une nouvelle génération de molécules contre l’hépatite C, dont le Sovaldi. Premier arrivé sur le marché français, ce médicament développés par l’américain Gilead est commercialisé 41 000 euros. Sa prescription est souvent associée à celle d’autres antiviraux onéreux, comme le Daklinza du britannique Bristol-Myers Squibb ou l’Olysio de l’américain Johnson & Johnson. Au total, l’enveloppe de dépenses liées à l’hépatite a atteint 514 millions d’euros en 2014. Après deux années successives de recul des remboursements, 2014, a représenté une « année de rupture [..] mais elle ne témoigne pas d’une dérive de la prescription », a tenu à préciser l’Assurance maladie lors d’une conférence de presse. Les dépenses liées aux médicaments délivrés dans les pharmacies ont même diminué de 1 % en 2014. La baisse des prix des médicaments et le développement des génériques, qui a permis de réaliser 1,7 milliard d’euros d’économies, expliquent pour partie cette diminution.

Acteurs à la carrière bien établie

Outre les traitements contre l’hépatite C et le cancer, les médicaments dont les remboursements augmentent le plus sont les antirhumatismaux (+10,9 % par rapport à 2013) et les antidiabétiques (+3,3 %). Dans les officines, l’Humira de l’américain Abbott, arrive pour la première fois en tête du « hit parade » des ventes. L’injection de cet antirhumatismal coûte plus de 830 euros, et doit être renouvelée toutes les deux semaines, voire toutes les semaines à partir du moment où son efficacité diminue.

Autres stars : les molécules pour traiter la DMLA, une maladie oculaire liée à l’âge. Elles coûtent de plus en plus cher à l’assurance maladie (+7,4 %), et seuls deux médicaments se partagent le marché : le Lucentis, du suisse Novartis, (318 millions d’euros remboursés), longtemps en situation de monopole, et l’Eylea, du laboratoire allemand Bayer, lancé en 2013 (plus de 160 millions remboursés).

Au classement figure aussi des acteurs à la carrière déjà bien établi, comme le Lantus de Sanofi (7e poste de dépense). Cette insuline, la plus vendue au monde, a coûté près de 240 millions à l’Assurance maladie. Bonne nouvelle pour les finances publiques : son brevet ayant expiré au début de l’année, une copie « low cost » devrait arriver d’ici quelques semaines sur le marché français. Reste à savoir si les médecins changeront leurs habitudes.

Le Crestor, un anticholestérol qui représente le 2e poste de dépense de l’Assurance maladie, est un cas d’école. Ce médicament appartient à une classe de molécules appelées statines : quasiment toutes génériquées, elles sont autant d’alternatives bon marché… que les médecins ignorent. Autre « exception culturelle », le Doliprane, qui représente le 3e poste de dépense de l’Assurance maladie (plus de 320,9 millions d’euros en 2014 contre 295 millions en 2013). Bien qu’il soit aussi vendu sans ordonnance, les Français profitent le plus souvent d’une visite chez le médecin pour se le faire prescrire.

Les 10 médicaments qui coûtent le plus cher à l’assurance maladie en 2014 (délivrés en officine)
1.HUMIRA (antirhumatismal) : 395,2 millions d’euros
2.CRESTOR (anticholestérol) : 322,2 millions d’euros
3.DOLIPRANE (antalgique) : 320,9 millions d’euros
4.LUCENTIS (traitement de la DMLA) : 318,3 millions d’euros
5.ENBREL (antirhumatismal) : 264,5 millions d’euros
6.SERETIDE (antiasthmatique) : 257,2 millions d’euros
7.LANTUS (antidiabétique) : 236,8 millions d’euros
8.GLIVEC (anticancéreux) : 184,7 millions d’euros
9.ZYTIGA (anticancéreux) : 180,4 millions d’euros
10.INEGY (anticholestérol) : 173,4 millions d’euros

Total : 2,65 milliards de remboursements.

 http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/16/le-top-des-medicaments-les-plus-prescrits_4790672_3234.html#ImMVgjwrKRAjplEB.99

mercredi 16 septembre 2015

Trou de la Sécu : la mémoire (très) courte des politiques

La Cour des comptes sonne l'alarme sur les comptes sociaux. Comme tous les ans depuis plus d'une décennie. Et sans aucun effet sur les gouvernements.

Par Sophie Coignard Publié le 16/09/2015 à 06:41
http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sophie-coignard/trou-de-la-secu-la-memoire-tres-courte-des-politiques-16-09-2015-1965123_2134.php

« L'objectif affiché de retour à l'équilibre des comptes sociaux en 2017 est désormais reporté à un horizon indéfini. » Ainsi s'exprime la Cour des comptes dans son rapport annuel sur le financement de la Sécurité sociale. L'institution note que si le célèbre « trou » de la Sécu a un peu diminué - uniquement grâce à une augmentation des ressources, et non à une réduction des dépenses -, celui de l'Assurance-maladie, qui représente le plus gros morceau, a continué de se creuser : 6,5 milliards d'euros en 2014, 7,2 milliards en 2015.

Les raisons de ce nouveau dérapage sont multiples. Et les seuls éléments démographiques, tel le vieillissement de la population, ne suffisent pas à l'expliquer. Selon le dernier rapport de l'OCDE, organisation dont la plupart des pays membres connaissent les mêmes phénomènes structurels, la France arrive en troisième position sur 34 pays pour l'importance de ses dépenses de santé rapportées au PIB.

Il apparaît donc que la maison n'est pas tenue. Que les professionnels de santé sont parfois trop nombreux et, toujours, quelle que soit leur spécialité, mal répartis sur le territoire, préférant les Alpes-Maritimes ou la Corse à la Seine-Saint-Denis ou aux Ardennes.

Ainsi, les infirmiers qui exercent en libéral ont vu leur nombre augmenter de 75,4 % depuis 2000. C'est le résultat de l'élargissement des quotas d'étudiants au moment de la mise en place des 35 heures : il fallait recruter plus pour faire face à l'appel d'air ainsi créé. Le problème, c'est que personne n'a jamais pensé à les réduire une fois les postes pourvus dans les établissements de santé. Que croient les gouvernements successifs ? Que les infirmières en surnombre vont exercer un autre métier ? Non, elles exercent en libéral. Et facturent chaque année à la Sécu 6,6 % d'actes de plus.

Les kinésithérapeutes, médailles d'argent de l'inflation des soins, augmentent annuellement le volume de leurs honoraires de 4,3 %. Quant à la répartition des uns et des autres sur le territoire, elle va du simple au quintuple pour 100 000 habitants

« Ce n'est pas parce qu'on a voté une loi qu'on est obligé de l'appliquer »

Cette question du lieu d'installation n'est pas nouvelle. Au début des années 2000, il était déjà question de lier le conventionnement des nouveaux médecins à leur lieu d'installation, pour éviter les déserts médicaux et les zones de surpopulation où les praticiens se précipitent en masse. La mesure semble de bon sens : pour profiter du remboursement de ses actes par la collectivité, il est nécessaire de lui rendre un réel service.

Martine Aubry, alors ministre des Affaires sociales, n'a pas voulu en entendre parler.
Fin 2000, elle accepte néanmoins, pour maîtriser les dépenses, d'inscrire dans la loi de financement de la Sécurité sociale le système des « lettres-clés flottantes ». Les lettres-clés désignent les actes pratiqués par les différentes catégories de soignants conventionnés. Avec le flottement, tout dépassement en volume provoquait une baisse équivalente des tarifs, pour rester en croissance zéro.
À peine adoptée, cette mesure a suscité l'effroi dans le monde politique. Au point que le président de la commission des Affaires sociales a fait très vite cette étonnante recommandation au patron de la Cnam : « Ce n'est pas parce qu'une loi est votée qu'il faut l'appliquer. »

Cette année, une décennie et demie plus tard, la Cour durcit le ton, peut-être pour tenter de se faire entendre du gouvernement. C'est malheureusement peu probable. Il y a deux ans, sur les médecins biologistes, celui-ci a fait tout le contraire de ce qui était préconisé : laisser filer la dépense plutôt que mécontenter une catégorie professionnelle.