mercredi 29 avril 2009

La mobilisation des hospitaliers pousse le gouvernement à modifier son projet

La mobilisation des hospitaliers pousse le gouvernement à modifier son projet, Le Monde, 29 avril 2009

Plus de 10 000 médecins, agents hospitaliers, infirmiers et aides-soignants ont défilé, mardi 28 avril 2009 à Paris, contre la réforme "Hôpital, patients, santé, territoires" (HPST) et pour la défense de l'hôpital public.

Environ 50 % des praticiens de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) étaient en grève pour s'opposer à la réforme de la gouvernance hospitalière. Roselyne Bachelot a fait valoir, à l'Assemblée nationale, que "le pouvoir médical est éclairé, renforcé, sanctuarisé" par son projet de loi.

Celui-ci devrait être amendé pour redonner plus de place aux médecins dans la direction des hôpitaux. A la veille de l'examen du projet de loi par la commission des affaires sociales du Sénat, son président (UMP), Nicolas About, a affirmé avoir trouvé "des terrains d'entente" avec le gouvernement. Les arbitrages de l'Elysée sont attendus. Dans le cortège parisien, les manifestants ont fortement exprimé leurs critiques.

Guy Moriette, professeur de néonatalogie, hôpital Port-Royal. "Pour moi, la loi HPST, c'est un peu la goutte d'eau. On a supporté pas mal de réorganisations à l'hôpital, la nouvelle gouvernance en 2004, l'organisation des services en pôles, mais là, ça suffit. Je suis à deux ans de la retraite, je n'ai jamais fait grève en trente-cinq ans de service public hospitalier. Je ne supporte plus la logique de ces réformes, qui ne se résume qu'à un objectif de rationnement. Cela fait des années que nos moyens sont limités. On nous contraint de plus en plus à la production de soins, et la dimension humaniste est oubliée. Tout se passe comme si, parce qu'on ne sait pas réformer l'hôpital, on aboutissait à le casser."

Antoine Dossier, interne, hôpital Saint-Louis. "Je travaille depuis sept ans à l'hôpital public, et j'ai souvent l'impression, au quotidien, d'une gestion déjà alignée sur le privé. Dans les services, la souffrance au travail est majeure. L'administration nous demande de faire le grand écart avec les valeurs de soins qu'on défend. Ma spécialité, la médecine interne, est considérée comme non rentable par la "tarification à l'activité". Le système incite à multiplier les actes pour être mieux financés, alors qu'il faudrait privilégier la prévention des maladies, en favorisant l'éducation thérapeutique. Auprès des malades chroniques, il est capital de prendre son temps pour éviter les complications. Et c'est cette médecine qu'on met progressivement au ban."

Lydie Gautheret, infirmière, hôpital Robert-Debré. "J'ai choisi d'être infirmière à l'AP-HP pour soigner tout le monde sans distinction. Et je n'ai pas envie de devoir un jour dire à un patient : "Votre maladie n'est pas rentable, vous ne serez pas soigné." La santé des individus compte plus que l'argent, et l'hôpital ne peut pas être considéré comme une entreprise qui doit faire du rendement. Je n'ai pas envie que mon travail soit soumis aux impératifs financiers d'un administratif qui aurait les coudées franches pour diriger seul un hôpital."

Arnaud Basdevant, professeur d'endocrinologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière. "Je suis très préoccupé par ce qui s'annonce après la loi HPST, à savoir la convergence tarifaire public-privé (l'alignement des systèmes de financement des hôpitaux publics avec le privé), qui est prévue pour 2012. Je crains que le pouvoir totalement donné aux directeurs ne soit au service de cet objectif de convergence, qui aboutira au démantèlement de l'hôpital public. Je suis impliqué dans la prise en charge de maladies rares, chroniques, complexes. Les patients que nous prenons en charge ne sont déjà pas rentables selon le système de tarification à l'activité ! La convergence tarifaire nous obligerait à les soigner encore plus à moindre coût."

Cécile Prieur