Hôpital : Nicolas Sarkozy démine le terrain en donnant des garanties aux médecins, Le Monde, 12 mai 2009
Sortir par le haut de la polémique sur l'hôpital : c'est ce qu'a tenté Nicolas Sarkozy en faisant siennes, lundi 11 mai 2009, les préconisations de la commission sur l'avenir des Centres hospitaliers universitaires (CHU), présidée par le professeur de chirurgie digestive Jacques Marescaux (Le Monde du 29 avril).
Après avoir affirmé pendant des mois qu'il n'y aurait qu'"un patron et un seul à l'hôpital, le directeur", M. Sarkozy a admis la nécessité de mieux associer les médecins à la gestion hospitalière.
Il a ainsi entériné les modifications de la gouvernance hospitalière contenues dans le rapport de la commission Marescaux : le gouvernement défendra des amendements en ce sens lors de l'examen, au Sénat, du projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires", qui débute mardi 12 mai.
Dans son discours, prononcé à l'Elysée devant un parterre de directeurs d'hôpitaux, de doyens de faculté et de médecins de CHU, M. Sarkozy s'est défendu d'avoir voulu isoler le pouvoir médical, en affirmant que "la loi hôpital n'est pas une loi anti-médecins".
Le 13 mars, il s'était pourtant montré extrêmement combatif, en martelant qu'il ne se laisserait "pas prendre par les lobbies, soit des grands patrons, soit des petits patrons". Mais la manifestation du 28 avril, qui a réuni plus de 10 000 médecins parmi les plus influents, a fait son oeuvre.
Le chef de l'Etat a donc assuré que "l'implication des médecins dans la gouvernance est indispensable" et que le directeur d'établissement "ne deviendra évidemment pas un despote absolu". De même, accusé de vouloir soumettre l'hôpital à la seule logique comptable, il a affirmé que "personne n'a jamais dit que l'hôpital devait devenir une entreprise".
Le projet de loi HPST sera donc substantiellement amendé pour conférer plus de place aux médecins dans l'organigramme et la gestion hospitalière. Au sein des directoires des CHU, trois vice-présidents - le président de la commission médicale d'établissement (CME, élu par ses pairs), le doyen de la faculté de médecine et un représentant des activités de recherche - viendront seconder le directeur d'établissement.
Alors que dans la version initiale du projet de loi, le directeur choisissait librement les médecins chefs de pôle et les autres médecins membres du directoire, il devra le faire, dorénavant, à partir des propositions du président de la CME.
Même s'il conserve le dernier mot, le directeur devra donc composer avec les intérêts de la communauté médicale de son établissement.
Alors qu'une nouvelle journée de manifestation et de grève du personnel hospitalier est prévue, le 14 mai, l'Elysée espère que ces concessions désamorceront le conflit.
Le député (UMP) et professeur d'urologie Bernard Debré, qui avait défilé contre la loi Bachelot, le 28 avril, a estimé que "maintenant, les choses sont clarifiées". Le professeur Jacques Marescaux a jugé pour sa part que "la médicalisation complète de la gouvernance" est de nature à "calmer la grogne" des hospitaliers.
"On a regardé les modèles européens, les modèles américains et on s'est aperçu que les seuls qui marchaient étaient ceux où il y avait une médicalisation forte de la gouvernance, a-t-il expliqué devant la presse. On ne peut pas imaginer un directeur général gestionnaire comptable sans l'adhésion des médecins."
Cécile Prieur