mardi 28 septembre 2010

Le gouvernement veut "garrotter l'hémorragie" de la Sécurité sociale

Le Monde, 28 septembre 2010

Faut-il s'en féliciter ? La meilleure tenue de l'emploi, notamment, va permettre au déficit du régime général de la Sécurité sociale de s'élever à 23,1 milliards d'euros en 2010, contre 26,8 milliards prévus en juin dernier, puis à 21,4 milliards d'euros en 2011, et non plus 28,6 milliards.

C'est ce que devait annoncer le gouvernement, qui doit présenter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2011, en fin d'après-midi ce mardi 28 septembre. Certes c'est moins que redouté, mais cela reste gigantesque. Rappelons qu'avant la crise, en 2008, il s'élevait à 10,2 milliards d'euros.

Pour le ministre du budget François Baroin, le principal objectif pour l'an prochain était de "garrotter l'hémorragie". La réduction du déficit attendra.

Sur les 21,4 milliards de 2011, seule la branche accidents du travail-maladies professionnelles ne devrait pas s'inscrire dans le rouge, mais dégager 0,1 milliard d'euros. Le déficit de la branche famille devrait s'élever à 3 milliards d'euros, et celui de la branche vieillesse, à 6,9 milliards.

C'est en fait l'assurance-maladie qui sera responsable de plus de la moitié du "trou" de la Sécu, à -11,6 milliards. Soit à peu près autant qu'en 2010.

Si le gouvernement se montre offensif en matière de réduction de déficit public, du côté de la santé, sujet très sensible et particulièrement complexe, s'est sur la stabilité qu'il mise. Pour cela, il faudra cependant maîtriser l'envol naturel des dépenses de santé, qui s'affiche entre 3% à et 4% par an.

Le président de la République avait d'ores et déjà annoncé au printemps que l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) devrait s'afficher à 2,9% en 2011, soit pour la première fois sous la barre des 3%.

Environ 2,5 milliards d'économies devront donc être dégagés. Soit bien peu sur un total des dépenses qui devrait dépasser les 165 milliards d'euros.

Alors que pour beaucoup, augmenter les prélèvements obligatoires semble inéluctable pour rétablir l'équilibre de l'Assurance-maladie, ce plan, qui ressemble à ceux mis en place avant la crise, ne manquera pas de susciter de nombreuses réactions.

"Tout le monde parle de plan d'économies, mais il s'agit d'un plan de dépenses car ce sont au final 5 milliards d'euros supplémentaires par rapport à 2010 qui seront consacrés à la santé", explique Claude Le Pen, économiste de la santé (Paris Dauphine).

"On a le sentiment d'une politique qui consiste à mettre pour l'essentiel la poussière sous le tapis", estime pour sa part Marisol Touraine, député PS d'Indre-et-Loir, et chargée de la protection sociale au sein du parti.

Pour atteindre 2,5 milliards de réduction de dépenses, le gouvernement va demander des efforts aux laboratoires pharmaceutiques, aux professionnels de santé, mais aussi aux assurés eux-mêmes. Une hausse des cotisations des complémentaires de santé est donc à prévoir.

La mesure phare devrait concerner la baisse du taux de remboursement des médicaments à vignette bleue au service médical rendu jugé modéré (Smecta, Spasfon…). Jusqu'alors pris en charge à hauteur de 35%, ils ne le seraient plus qu'à 30%.

Déjà cette année dernière, plus de 150 médicaments de cette catégorie avaient été "rétrogradés" dans une autre, spécialement créée, qui regroupe désormais les produits remboursés à hauteur de 15% (vignette orange).

En revanche, le gouvernement a renoncé à augmenter le ticket modérateur payé par les Français lors de leurs consultations chez les médecins, infirmiers ou encore kinésithérapeutes.

Alors que jusque-là l'assurance-maladie prenait en charge 70% de la facture, le taux devait descendre à 69,5%. Mais la mesure, fortement décriée, était techniquement compliquée à mettre en place pour le système informatique de l'Assurance-maladie.

En outre, selon certains observateurs, avec 200 millions d'euros, l'économie était faible, comparé au risque politique.

Laetitia Clavreul