Le Monde, 27 septembre 2010
Les quelque 120 000 médecins libéraux ont jusqu'à mercredi 29 septembre pour envoyer par la poste leur bulletin de vote pour leurs élections professionnelles. Cette fois, difficile de s'y retrouver.
Quel que soit le syndicat, le thème du combat est le même : sauvegarder la médecine libérale, et en son sein la médecine générale. Jugés responsables de la crise actuelle, le gouvernement et l'assurance-maladie sont vivement critiqués.
Patrick Hassenteufel, professeur de sciences politiques à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, constate pour ce scrutin "un contexte bien plus tendu" qu'habituellement. Il faut dire que "lors des dernières élections, ceux qui se sont inscrits dans la contestation l'ont toujours emporté", ajoute-t-il.
La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), votée en 2009, est vivement remise en cause, surtout par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), première force en présence et opposante de la première heure à ce "texte liberticide", selon son président, Michel Chassang.
Réuni en université d'été ce week-end à Cannes, le syndicat, qui avait soigneusement évité d'inviter la ministre de la santé Roselyne Bachelot, a menacé de ne pas voter la prochaine convention avec l'assurance-maladie, si la loi n'était pas "nettoyée".
Tant que les élections ne sont pas passées, la contestation continue. Et ce, malgré la suspension par le gouvernement de l'application de mesures très décriées comme l'obligation pour les professionnels installés en zone surdotée en médecins d'exercer quelques demi-journées en zone déficitaire, et malgré la promesse de Nicolas Sarkozy d'une revalorisation des tarifs de consultation.
"Ce sont des actes que nous voulons", insiste Vincent Rébeillé-Borgella, secrétaire général de MG France.
Ce syndicat a soutenu la loi HPST, ce que ne manque jamais de rappeler la CSMF, son principal adversaire dans le collège des généralistes. Mais depuis, il a changé de président et adopte une attitude plus dure vis-à-vis du gouvernement.
Du côté des réformistes, auquel MG France appartient, c'est davantage la superpuissance des caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM) qu'on dénonce.
Plusieurs généralistes sont ainsi engagés dans des procès en vue de se voir reconnaître le droit d'utiliser le même tarif que les spécialistes. L'Union généraliste, branche de la Fédération des médecins français qui fait campagne sur le thème du "harcèlement" des caisses, vient en outre de déposer huit plaintes pour "abus de droit".
"Double crise"
Tous les syndicats mesurent le ras-le-bol des "contrôles et autres tracasseries administratives" exercés selon eux par les caisses primaires. Ceux qui facturent 23 euros leur consultation ont ainsi été rappelés à l'ordre de leur caisse primaire. Ils répondaient à un appel de la CSMF réputée proche de l'assurance-maladie, qui avait lancé cette surfacturation anticipant la hausse du tarif prévue au 1er janvier 2011.
Pourquoi une telle tension, un tel malaise ? "Les médecins sont au coeur d'une double crise : de vocation, avec l'apparition de déserts médicaux, et de statut, avec le débat sur la liberté d'installation", explique Claude Le Pen, économiste de la santé (Paris-Dauphine).
Face à la montée du salariat, aux craintes d'étatisation exprimées par les syndicats, "c'est à celui qui défendra le mieux l'honneur perdu", ajoute-t-il. Ce qui explique que les lignes de fracture soient moins nettes.
Pour les syndicats, ces élections sont un enjeu de taille : des scores dépendra la possibilité, ou non, de négocier dans les prochains mois la nouvelle convention avec l'assurance-maladie.
L'issue du scrutin sera aussi observée de près par la majorité, qui saura alors dans quel sens orienter sa politique pour reconquérir avant 2012 cet électorat jusque-là plutôt acquis, mais qui reste marqué par sa non-participation à la campagne de vaccination contre la grippe H1N1. Les résultats seront connus lundi 4 octobre.
Laetitia Clavreul