mercredi 10 juin 2009

Sarkozy, tenace bienfaiteur des complémentaires santé

Sarkozy, tenace bienfaiteur des complémentaires santé, 7 juin 2009. Sur Déchiffrages, le blog de Jean-François Couvrat.

En France, les assurances privées financent d’ores et déjà 12,8% des dépenses de santé. Depuis 2006, notre pays devance le Canada et occupe à ce titre le deuxième rang mondial, selon l’OCDE. Les Etats-Unis, avec 36%, sont-ils irrattrapables ? Nicolas Sarkozy n’est pas homme à baisser les bras :

« Mon objectif est clair, vient-il d’affirmer devant la Mutualité française. Je souhaite, dans le cadre d’un partenariat exigeant, que soient confiées de nouvelles responsabilités aux organismes complémentaires. Les régimes de base ne pourront pas tout financer. Il faudra faire des choix. Nous créerons les conditions d’une prise en charge solidaire, équitable et efficiente, centrée sur la qualité, des nouveaux besoins sociaux dont le couverture ne peut reposer exclusivement sur la solidarité nationale ».

Sont explicitement visées (et ce n’est pas la première fois) : les trente affections de longue durée (ALD) - cancers, diabète, troubles mentaux… - dont la Sécurité sociale, depuis sa création, rembourse les soins à 100%, parce qu’ils sont particulièrement longs et onéreux. Cette exonération du ticket modérateur coûte à l’Assurance-maladie quelque 8 milliards d’euros par an. Les 7,5 millions de bénéficiaires y voient à juste titre un des piliers de la protection sociale française. Les « complémentaires santé », elles, flairent la bonne affaire. Si elles assurent demain ces huit milliards, leur part du marché de la santé augmentera de moitié. Merci Nicolas !

Or les conséquences sociales d’un tel basculement seraient telles que le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, dans sa séance du 28 avril 2005, en avait fermement rejeté l’idée, estimant qu’elle « aurait un impact négatif sur la conception solidaire de notre système d’assurance maladie ».


C’est peu dire. Les inégalités, qui caractérisent aujourd’hui les complémentaires santé, en seraient sérieusement aggravées. Les premières victimes en seraient les retraités, plus souvent frappés par les maladies de longue durée. Privés d’employeurs, et supportant par conséquent intégralement les primes d’assurance complémentaire, ils verraient celles-ci augmenter de 600 euros par an et par ménage en moyenne. Le poids de ces primes passerait de 2,5% à 5% de leurs revenus en moyenne, et atteindrait 11% pour une personne seule eu minimum vieillesse, relevait le Haut conseil.

Il exprimait également ses craintes de voir les assureurs privés appliquer des stratégies purement financières, trier la clientèle et éliminer les gros risques. Déjà, plus de 14% des Français les plus pauvres sont privés de couverture complémentaire, et un Français sur sept renonce à des soins médicaux pour raisons financières.

L’aide à la complémentaire santé (ACS), qui octroie 400 euros par an et bientôt 500 euros aux plus de 60 ans, est-elle une solution ? Nicolas Sarkozy le dit. Mais le croit-il ? Sur les 2,2 à 2,7 millions de Français aujourd’hui privés de complémentaire santé, moins de 548.000 perçoivent l’ACS. Elle est réservée à ceux qui gagnent entre 620 euros par mois (le plafond pour la Couverture maladie universelle), et 745 euros.

« Notre système de santé laisse subsister des inégalités sociales fortes », a souligné le Chef de l’Etat. C’est indubitable. Pourquoi les aggraver ?