M. Sarkozy veut confier un rôle accru aux mutuelles, Le Monde, 4 juin 2009
C'est une révolution discrète mais profonde du système de santé qu'a esquissée Nicolas Sarkozy, jeudi 4 juin. S'exprimant en ouverture du 39e congrès de la Mutualité française, qui se tient à Bordeaux jusqu'au 6 juin, le président de la République a appelé de ses vœux "un partenariat nouveau entre l'assurance-maladie et la Mutualité".
Dans un contexte d'aggravation du déficit de la Sécurité sociale, dont les recettes sont grevées par la baisse de la masse salariale, M. Sarkozy a affirmé qu'à l'avenir "les régimes de base ne pourront pas tout financer".
"Je souhaite que soient confiées de nouvelles responsabilités aux organismes complémentaires", a expliqué le chef de l'Etat, qui confirme ainsi son intention de parvenir à un désengagement progressif de l'assurance-maladie obligatoire, notamment sur les maladies chroniques.
Alors que jusqu'ici les mutuelles étaient en situation de "payeur aveugle", sans droit de regard sur la qualité des soins qu'elles remboursent, elles revendiquent aujourd'hui une place de premier plan dans la gestion du système de santé.
"Nous avons la volonté de faire bouger les choses, notamment sur les maladies chroniques, explique le président de la Mutualité, Jean-Pierre Davant. Ce que l'assurance-maladie obligatoire n'arrive pas à faire, nous pouvons l'assumer."
Le mouvement mutualiste propose ainsi aux pouvoirs publics d'avoir la possibilité de contractualiser avec des professionnels de santé, afin d'offrir à ses adhérents des filières de santé spécifique, aux tarifs opposables, sans dépassements d'honoraires.
"EXPÉRIMENTATIONS"
M. Sarkozy a immédiatement saisi la balle au bond. L'homme des franchises médicales et de l'instauration d'une taxe sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires – deux mesures fortement dénoncées par la Mutualité française – juge bienvenu le transfert d'une partie des compétences de l'assurance-maladie obligatoire vers les complémentaires.
"La solidarité nationale, financée par des prélèvements obligatoires, continuera de remplir sa mission, a prédit le chef de l'Etat. Mais à ses côtés, d'autres formes de protection sont appelées à se développer."
Le président de la République a donc donné son feu vert pour que des "expérimentations" soient lancées sur une meilleure prise en charge des maladies chroniques par la Mutualité.
Il a par ailleurs demandé que les assureurs complémentaires soient associés aux discussions entre l'assurance-maladie et les professionnels de santé, dans le secteur des soins dentaires et optiques.
Enfin, il a insisté pour que le "secteur optionnel", un nouveau système de tarification de la consultation des médecins, censé encadrer les dépassements d'honoraires, voit le jour.
Constatant l'impasse des discussions entre l'assurance-maladie, les organismes complémentaires et les professionnels de santé sur ce sujet, il a assuré que "le législateur pourrait reprendre la main" sur le dossier. C'est-à-dire imposer le secteur optionnel dès cet automne, à la faveur du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Cécile Prieur