dimanche 14 février 2010

Entrevue avec Jean-Yves Fagon: directeur de la politique médicale à l’AP-HP

Libération - 12 février 2010

Le professeur Jean-Yves Fagon occupe le poste clé de directeur de la politique médicale à l’Assistance Publique de Paris. Il explique le plan de restructuration de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Toucher à l’AP, tâche impossible ?

Cela bouge. Depuis deux mois, l’ambiance a changé. On prend des décisions. Mais avait-on le choix ? Il y a 37 sites à l’AP-HP. Les rénover tous ? Impossible. Garder sept universités de médecine ? C’est trop. Tout le monde le sait. Ne rien faire, c’est notre mort avec la démographie médicale : des disciplines vont perdre jusqu’à 30% de leurs effectifs en cinq ans. De plus, les prises en charge ont changé : dans le cas du VIH, par exemple, on n’hospitalise quasiment plus.

Que proposez-vous ?

Une première phase avec la constitution des groupes hospitaliers (GH). Il y en aura 12. On a défini une offre de soins en trois axes : un socle d’activités indispensables dans chaque groupe hospitalier avec tout ce qu’il faut de disciplines et des plateaux techniques.

Il y a ensuite les activités hors du commun : a-t-on besoin, par exemple, de six centres de greffes hépatiques à Paris ? Peut-on les regrouper ? On va en débattre. Et entre ces deux axes, des activités sont à réorganiser.

Exemple, dans le nord de Paris : les hôpitaux Bichat et Beaujon [à Clichy) doivent être rénovés. Cela coûte moins cher de bâtir un seul hôpital, flambant neuf. Enfin, il faut coopérer avec les autres grands hôpitaux d’Ile-de-France.

Cette réforme met à mal la proximité…

Vu l’offre de soins, la question de la proximité à Paris se pose différemment. Elle est importante pour les urgences. Pour le reste, chacun est prêt à passer de l’autre côté de la Seine…

Fermer l’hôpital Trousseau, après avoir fermé l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, n’est-ce pas, de fait, diminuer la qualité de soins pédiatriques ?

On ne ferme pas Trousseau. On fait simplement le constat que l’offre de pédiatrie spécialisée est surdimensionnée. De plus, il y a un gros changement avec le développement des soins ambulatoires. Est-ce que l’on a les moyens, aujourd’hui, de garder un petit hôpital de pédiatrie spécialisé ? Nous ne le croyons pas. L’idée est donc de faire à Trousseau un important centre de néonatalogie, avec un gros service de pédiatrie générale. Et pour toutes les disciplines spécialisées, de les mettre à l’hôpital Robert-Debré où est envisagée la construction d’un autre pavillon.

Quid de l’avenir de l’Hôtel-Dieu ?

Nous avons un très beau projet. Avec un gros service d’urgence, et un grand centre de prise en charge du VIH où seront regroupés les services qui le traitaient à Cochin, à Pompidou. C’est vrai qu’il n’y aura pas d’hospitalisation conventionnelle sur le VIH à l’Hôtel-Dieu. On a besoin d’une vingtaine de lits, eh bien, il faut que les équipes se mettent d’accord pour les implanter à Cochin ou à Pompidou… Quant au reste, on ne fera plus de chirurgie ambulatoire à l’Hôtel-Dieu, les locaux ne s’y prêtant pas. Et grâce à l’aide de fonds privés, on va ouvrir un pôle de santé publique.

Mais tout cela doit-il se faire sans concertation ?

Quand j’entends que l’on a décidé tout à la va-vite, c’est faux. On en discute depuis deux ans. Aujourd’hui, ce qui peut étonner, c’est qu’on décide.

On dit que ce sont toujours les mêmes qui trinquent et jamais le siège avec ses 3 000 salariés ?

Il y aura, là aussi, des restructurations. En 2009, nous avons dû perdre 700 salariés. Le directeur a expliqué que d’ici à 2012, il pourrait y avoir une baisse de 3 000 à 4 000 postes. Tout cela est possible.

Y compris une baisse du nombre de médecins et du personnel soignant ?

Quand un service a peu d’activité, cela ne me choque pas que l’on supprime des postes médicaux. Le problème est de mettre le personnel là où il est le plus utile pour continuer d’être cet ensemble hospitalier unique en Europe.