lundi 2 novembre 2009

La France manque toujours de cancérologues

Le Figaro | 02/11/2009 Jean-Michel Bader

L'hexagone compte 0,7 oncologue pour 100 000 habitants, soit le même ratio qu'en Albanie.

«Ce matin j'ai vu 23 malades en consultation», explique le Dr Daniel Serin, président de la Fédération française d'oncologie médicale. Il n'est pas le seul : les deux oncologues (cancérologues) de l'hôpital Tenon assurant les consultations devaient voir ce jour-là «entre 45 et 50 malades». Au quotidien, la charge de travail et les responsabilités de ces spécialistes sont devenues si lourdes qu'ils ne peuvent plus y faire face en totalité, et les listes d'attente s'allongent.

La France a seulement 0,7 oncologue pour 100 000 habitants, le même nombre qu'en Albanie. Et avec 2 oncologues pour 100 000 habitants (plus du double), les États-Unis se soucient déjà du «drame de la pénurie» attendue ces prochaines années dans ce pays… La situation n'est pas nouvelle : le premier plan cancer et le rapport récent du Pr Grünfeld ne cessent de répéter qu'il faut «revoir la tarification, créer des postes d'internes, de chefs de clinique et d'assistants». Sans résultats tangibles.

La situation est devenue si aiguë que les cancérologues français ont lancé le mois dernier un appel à Nicolas Sarkozy pour qu'il vienne en aide à leur profession sinistrée. «La démographie médicale est un souci réel, plusieurs métiers de la cancérologie sont directement concernés. Il est temps de rattraper le temps perdu», martèlent les professionnels. «Il y a une vraie contradiction à vouloir une priorité d'accès aux médicaments innovants et souvent très coûteux en cancérologie et en même temps à délaisser le métier qui est censé les prescrire et en assurer le bon emploi. L'oncologie médicale est sinistrée et délaissée.»


Milieu hospitalier public

«La discipline manque de bras», estime Daniel Serin, qui a lancé cet appel. «Peu de postes sont créés, les internes fuient la profession par manque de débouchés. Alors que c'est un métier merveilleux, un métier d'avenir, un vrai travail de coordinateur médical. L'oncologue est souvent au centre du dispositif multidisciplinaire.»

Les collègues libéraux des médecins hospitaliers ne sont pas mieux lotis : leur rémunération est basée sur un acte infirmier et pas un forfait global. L'oncologie hématologique, la discipline qui traite ­leucémies, lymphomes et atteintes de la moelle osseuse, qui fait des greffes de moelle et ne s'exerce qu'en milieu hospitalier public, est un bon exemple. «Nous ne pourrons pas être vendus au privé, notre activité s'adresse à des malades lourds, et pourtant nous serions attractifs pour des jeunes spécialistes si nous pouvions les accueillir. Mais avec la suppression prévue par Roselyne Bachelot de 4 000 postes sur trois ans, dont 500 postes de praticiens hospitaliers (soit 140 cette année), nous sommes étranglés», s'indigne le Pr Jean-Paul Vernant (Pitié-Salpêtrière).