En dix ans, la CMU a réduit les inégalités dans l'accès à la santé , Le Monde, 10 septembre 2009
Dix ans après sa création, la couverture-maladie universelle (CMU) est devenue l'un des piliers de la protection sociale en France. En permettant l'accès aux soins des plus démunis, elle a réduit les inégalités dans l'accès à la santé. Mais l'exclusion persiste.
Instaurée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU avait deux grands objectifs initiaux, rappelle Jean-François Chadelat, président du Fonds CMU. Il s'agissait d'abord de garantir à tout le monde un accès à l'assurance-maladie.
A l'époque, on estimait que 150 000 personnes ne disposaient d'aucune couverture-santé.
Avec la CMU de base, une adresse en France depuis plus de trois mois suffit en effet pour bénéficier du remboursement de soins et des médicaments aux taux habituels.
Près de 1,7 million de personnes sont aujourd'hui concernées.
EFFET DE SEUIL
Mais le principal apport de la loi de 1999 reste la création de la CMU complémentaire.
En remplaçant l'ancienne aide médicale départementale, elle a permis à 10 % des Français, soit 5 millions de personnes, qui ne disposaient d'aucune complémentaire santé de bénéficier de soins entièrement gratuits.
Contrairement à la CMU de base, la complémentaire est soumise à conditions de ressources, et les barèmes dépendent de la composition du foyer. Elle couvre actuellement 4,3 millions de personnes.
"Le problème, c'est que ce seuil de revenu (685 euros par mois pour une personne seule – NDLR) ne permet pas aux gens disposant de ressources légèrement supérieures de bénéficier de la complémentaire", observe Jean-François Chadelat.
C'est pour pallier ce manque que la loi du 13 août 2004 a créé l'ACS. Cette aide à l'acquisition d'une complémentaire-santé, de 100 à 500 euros par an, profite aujourd'hui à 500 000 personnes, mais reste encore largement inconnue.
D'après le président du Fonds CMU, "le public visé est estimé à plus de 2 millions de personnes".
REFUS DE SOINS
Autre ombre au bilan de la CMU, "l'accès aux soins ne veut pas dire l'accès à la santé", note Pierre Micheletti.
Pour l'ancien président de Médecins du monde, il ne faut pas faire l'impasse sur la prévention, puisque "certaines pathologies comme le diabète, l'alcoolisme ou les maladies cardio-vasculaires continuent de toucher en priorité les plus pauvres". Par ailleurs, les problèmes d'éloignement géographique et les handicaps culturels (langue, analphabétisme) demeurent.
Pourtant, "l'instauration de la CMU a été un progrès indéniable", explique Pierre Micheletti. "Quand la loi est passée, nous avons observé une baisse immédiate de la fréquentation dans nos centre d'aide et de soins. L'antenne de Montauban a même été fermée faute de solicitations", se rappelle-t-il.
Mais depuis quelques mois, les précaires sont de plus en plus nombreux à reprendre la route des centres de soins de l'ONG.
Et pour cause : le nombre de bénéficiaires de la CMU augmente sous l'effet de la crise économique, tandis que certains professionnels de santé s'obstinent à refuser de les soigner.
Selon une étude rendue publique le 1er juillet 2009, un quart des médecins et dentistes installés à Paris refusent de recevoir des bénéficiaires de la CMU complémentaire, déplorant notamment d'être obligés de leur appliquer les tarifs de base de la Sécurité sociale.
Réalisée par testing auprès d'un échantillon de 900 dentistes, médecins généralistes et spécialistes, cette enquête confirme la persistance de pratiques de discrimination envers les plus démunis.
Elise Barthet