mardi 14 juillet 2009

Le dépistage du cancer de la prostate fait-il plus de mal que de bien ?

Le dépistage du cancer de la prostate fait-il plus de mal que de bien ?, Le Monde, 13 juillet 2009

"Les pratiques actuelles de dépistage du cancer de la prostate en France génèrent plus de morbidité qu'elles n'en évitent", affirme le docteur Guy Launoy, directeur de l'équipe de recherche Inserm "Cancers et Populations" au centre hospitalier universitaire de Caen. Alors que les autorités sanitaires ne recommandent pas de dépistage systématique du cancer de la prostate à partir de 50 ans, de plus en plus de médecins proposent à des hommes asymptomatiques un dosage du PSA (marqueur biologique de la glande prostatique). Or, les qualités diagnostiques de cet examen ne cessent de faire débat, la proportion de diagnostics faussement positifs étant très importante.

"Le cancer de la prostate a une évolution extrêmement lente ; son dépistage systématique entraîne un surdiagnostic et un surtraitement", souligne le docteur Launoy. Les traitements (par chirurgie ou radiothérapie) engendrent souvent des effets secondaires - impuissance, incontinence urinaire - difficiles à vivre. "Pour éviter un mort, on crée de la morbidité chez des centaines d'hommes", résume le chercheur.

Dans son récent rapport consacré à "l'évolution de la mortalité par cancer en France de 1950 à 2006", l'Institut national de veille sanitaire (InVS) indique que l'incidence du cancer de la prostate a triplé entre 1990 et 2006 à cause de la généralisation du dosage de PSA. "Il est impossible aujourd'hui de dire si le dépistage a créé une épidémie de diagnostics inutiles ou s'il a contribué à la diminution de la mortalité", souligne l'InVS. Mais, "la possibilité de diagnostics inutiles est étayée par les études d'autopsies systématiques dans la population générale, qui trouvent un cancer de la prostate chez 30 % des hommes âgés de 30 ans et 80 % des hommes de 80 ans" poursuit-il.

Deuxième cause de mortalité par cancer chez l'homme, après le cancer du poumon, le cancer de la prostate a été responsable de 8 937 décès en 2006.

SURVIE

"Dire que plus un cancer est dépisté tôt plus la survie est longue comporte un biais", rappelle le docteur Launoy. En effet, si les pratiques diagnostiques conduisent à détecter des cancers plus tôt, la survie à cinq ans, par exemple, sera automatiquement améliorée. De plus, souligne l'InVS, "si ces dépistages conduisent à identifier des cancers qui ne seraient jamais devenus symptomatiques, la survie apparaîtra artificiellement améliorée par ajout de ces cas qui ne seraient jamais devenus malades". Bref, seul compte l'impact sur le nombre de décès. Or, si la mortalité par cancer de la prostate a diminué de 2,1 % par an entre 1990 et 2006, "elle diminue aussi dans des pays où le dépistage est peu répandu, comme le Royaume-Uni", note l'InVS.

Plus deux cents médecins ont signé le manifeste "Touche pas à ma prostate" lancé il y a quelques mois par le docteur Dominique Dupagne, fondateur du forum de discussion médical indépendant Atoute.org. "Des milliers d'hommes ont été rendus impuissants ou incontinents pour un bénéfice hypothétique ", dénonce ce manifeste.

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A lire : "Questions de santé publique" (nº 4, avril 2009), bulletin de l'Institut de recherche en santé publique.
"Dois-je me faire tester pour le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi" du professeur Gilbert Welch (Presses de l'université Laval, 256 p., 22 €).
www.iresp.net