mardi 23 mars 2010

Hôpitaux de Paris : le dossier reste explosif malgré la suspension des restructurations

Le Monde, 20 mars 2010

Était-ce un vrai recul ? Les syndicats en doutent, et la pression est à peine retombée à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), où le dossier explosif de la restructuration est suivi de près par l'Elysée.

Pourtant, deux jours avant le premier tour des élections régionales, le 12 mars, la direction avait suspendu la mise en œuvre des restructurations en cours, le temps de négocier, site par site, avec les syndicats.

Manifestation contre la fermeture de centres IVG, séquestration de la directrice de l'hôpital Charles-Foix - Jean-Rostand (Val-de-Marne), jeudi 18 mars 2010, puis de son homologue de Joffre-Dupuytren (Essonne), vendredi, il n'y a pas eu de répit dans l'entre-deux-tours.

Les syndicats de l'AP-HP réfléchissent à organiser une action, le 26 mars 2010, date de la prochaine réunion avec la direction. Une mobilisation nationale sur l'emploi dans les hôpitaux est prévue le 30 mars 2010.

"Tant que le changement de politique n'est pas garanti, nous n'arrêterons pas la mobilisation", affirme Rose-May Rousseau, pour la CGT de l'AP-HP. "Nous avons gagné un sursis, mais la direction va clairement nous présenter le même projet", prévoit Marie-Christine Fararik, pour SUD-santé.

Ce plan stratégique 2010-2014, dont les premières orientations ont été dévoilées en janvier 2010, prévoit des rapprochements d'hôpitaux et des fermetures de services.

Il s'inscrit dans l'optique de la modernisation du mastodonte de l'AP-HP, qui regroupe 37 établissements et dans l'objectif, fixé à tous les hôpitaux, d'un retour à l'équilibre en 2012.

A l'AP-HP, c'est 100 millions d'euros qui doivent être économisés chaque année, sur un budget annuel de 6 milliards.

Au ministère de la santé, on rappelle qu'il s'agit là d'"un objectif de résultats, non de moyens".

Alors que le chiffre de 3 000 à 4 000 suppressions de postes (sur 92 000 emplois) avait été avancé par la direction, celle-ci insiste désormais, comme le ministère, sur les autres pistes à explorer, comme la rationalisation de la prescription de médicaments.

Mais la masse salariale représentant 70 % des dépenses, chacun sait qu'à l'hôpital économie rime avec réduction de postes. Les syndicats ne croient donc guère à la fin de la "logique comptable".

Les médecins non plus. Le Pr André Grimaldi, président du Mouvement de défense de l'hôpital public (MDHP), s'il note un changement de méthode, n'en imagine pas sur le fond : "Depuis des années, le leitmotiv des politiques a été l'équilibre budgétaire et les suppressions d'emplois, je ne vois pas pourquoi l'AP-HP y échapperait."

Il affirme qu'en cas d'impact sur l'offre de soins les médecins seront prêts à "réagir rapidement". A l'automne, ils avaient déjà menacé de démissionner de leurs fonctions administratives.

Médecins, syndicats, tous espèrent que les intentions du gouvernement seront éclaircies après le second tour des régionales, dimanche 21 mars 2010. Ils voudraient sortir du "flottement" ressenti ces dernières semaines. "Entre l'Elysée et le ministère, c'était la cacophonie", estime Rose-May Rousseau.

Ils aimeraient aussi être fixés sur leurs interlocuteurs. La semaine écoulée a encore donné lieu à des rumeurs de limogeage de Benoît Leclercq, le patron de l'AP-HP, auquel l'exécutif reprocherait non d'avoir mis sur les rails le plan de restructuration, mais d'avoir mal géré la communication sur les suppressions de postes, en pleine période électorale.

Un sujet sur lequel la gauche s'est mobilisée, au nom de l'emploi et de la qualité de l'offre de soins, notamment à propos de l'hôpital Armand-Trousseau menacé de démantèlement.

Déjà, Georges-François Leclerc, le directeur de cabinet de Roselyne Bachelot, dont la raideur était peu appréciée dans le monde de la santé, a quitté ses fonctions en février 2010.

Désormais, alors qu'un remaniement est en vue, on s'interroge sur le sort de la ministre. Celle-ci est fragilisée par les remous à l'AP-HP, mais aussi par ses relations tendues avec les médecins libéraux, sans oublier la gestion de la grippe A.

Mme Bachelot, qui sera auditionnée mardi 23 mars 2010 par la commission d'enquête du Sénat, est en première ligne sur le sujet.

Laetitia Clavreul