mercredi 9 décembre 2009

Plus de 12 000 médecins généralistes acceptent le paiement à la performance

Le Monde, 9 décembre 2009

Louis-Robert Paleotti a signé "sans hésiter". En 2010, ce médecin généraliste installé à Nice depuis trente ans ne sera plus seulement payé à la consultation, mais aussi à la performance, s'il améliore sa pratique selon des objectifs de santé publique et de prescriptions fixés par la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM).

Le contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qu'elle a mis en place en juin 2009 et la prime qui l'accompagne ont beau être considérés comme un danger par les syndicats et l'ordre des médecins, lui ne voit pas les choses ainsi.

Il est loin d'être le seul : 42 500 médecins sur 50 000 généralistes se sont vu proposer un CAPI. Le but de la CNAM était d'en convaincre 5 000 d'ici à la fin de l'année. Selon les chiffres qu'elle devait publier, mercredi 9 décembre, 12 600 généralistes avaient signé en six mois, soit 30 %. De quoi ravir l'assurance-maladie.

Mine de rien, le succès du CAPI est un sacré symbole. Certes, de nombreux médecins traitants ont pu adhérer par pragmatisme, voyant là le moyen d'augmenter leurs revenus alors que la hausse du tarif de la consultation de 22 à 23 euros qu'ils réclament depuis plusieurs années n'aboutit pas. Mais leur accord entérine un nouveau type de relations, sous forme de contrat individuel signé avec l'assurance-maladie, qui court-circuite la négociation collective et inquiète les syndicats.

En signant en nombre, les médecins montrent aussi que la profession, jusque-là attachée à son indépendance et à la pratique libérale, est prête à voir sa rémunération évoluer vers le paiement à la performance ou au forfait, comme cela se fait à l'étranger. C'est d'ailleurs l'un des points principaux des négociations qui viennent de commencer pour la signature, en 2010, de la future convention médicale liant la CNAM et les médecins.

Dans les Alpes-Maritimes, deux ou trois CAPI sont signés tous les jours et déjà plus de la moitié des médecins concernés ont adhéré. Les critiques sur le "flicage des médecins" qu'exercerait ainsi la CNAM font sourire le docteur Paleotti. Pour lui, c'est bien simple, "il y a déjà mainmise". "Tous les trimestres, je reçois la visite d'un délégué de l'assurance-maladie qui fait un point sur mes prescriptions." En bref, qui lui dit s'il travaille bien ou mal. "Le CAPI, c'est dans la logique des choses", lâche-t-il, philosophe. Ce qu'il semble être de manière générale.

Il trouve même plutôt des intérêts à la formule : elle est facultative, il s'agit "d'une carotte et non d'un bâton cette fois" et, surtout, c'est "un outil de travail intéressant" puisque le médecin se voit présenter des statistiques sur sa pratique qui peuvent l'aider à l'améliorer. "C'est grâce au CAPI que j'ai vu qu'il fallait que je sois plus attentif à mon suivi des patients atteints de diabète", explique le docteur Paleotti, qui fait plus de 10 000 consultations par an pour une "patientèle" variée.

"L'idée générale est d'enfin valoriser le temps consacré à la prévention", explique Jean-Jacques Greffeuille, le directeur de la Caisse primaire d'assurance-maladie du département. Concrètement, le CAPI fixe des objectifs à atteindre, décidés à partir de référentiels de la Haute Autorité de santé.

En matière de prévention, le médecin doit, par exemple, faire vacciner 75 % de ses patients de plus de 65 ans contre la grippe saisonnière ou obtenir un taux de 80 % de dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans. Il doit aussi améliorer le suivi des maladies chroniques (diabète, hypertension artérielle).

Enfin, il doit optimiser ses prescriptions - atteindre un taux de 90 % d'antibiotiques sous forme de génériques -, ce qui est très critiqué.

La prime, calculée selon la progression de réalisation des objectifs, pourra aller jusqu'à 7 000 euros par an et par médecin. Ce qui fait dire aux détracteurs du CAPI qu'il revient à "acheter les professionnels". L'ordre des médecins craint que la déontologie des praticiens, qui pourraient être soupçonnés de privilégier leur intérêt financier sur celui des malades, puisse être mise en cause.

Le docteur Paleotti ne croit pas à de telles dérives. Pour sa part, il ne devra qu'à peine modifier ses pratiques, puisqu'il atteint déjà presque tous les objectifs fixés. Du coup, sa prime ne devrait avoisiner que 1 000 euros. "Ce n'est clairement pas l'argent qui a dicté mon choix ! J'espère qu'il en va ainsi pour mes confrères", tranche-t-il.

Laetitia Clavreul