mercredi 21 septembre 2011

Les députés se penchent sur l'activité des visiteurs médicaux

Le Monde, 20 septembre 2011

Mardi 20 septembre, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale examine pour la deuxième fois le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Une loi qui a pour objectif "de redonner confiance aux Français dans notre système du médicament", selon les dires de son instigateur, le ministre de la santé, Xavier Bertrand.

Grâce à ce texte, présenté comme une "refonte" du système, le gouvernement entend réformer la profession des visiteurs médicaux. Ces représentants des laboratoires pharmaceutiques vont à la rencontre les médecins pour vanter les mérites des derniers produits mis sur le marché par leur société, et accessoirement les vendre.

Si le texte est voté en l'état, les visiteurs médicaux devront s'adresser à un collège de médecins et non plus à un seul praticien, en face à face. Une mesure expérimentale, qui ne sera tentée qu'en milieu hospitalier pendant deux ans, les médecins de ville n'étant pas concernés pour le moment.

UNE MESURE "INAPPLICABLE"

"Inapplicable", tonne Catherine Lemorton, qui suit le projet de loi pour le compte du groupe socialiste, radical et citoyen à l'Assemblée nationale. La député, également pharmacienne à Toulouse, s'interroge et pointe du doigt une méconnaissance du milieu hospitalier : les médecins et les spécialistes sont rarement disponibles tous ensemble au même moment, affirme-t-elle en substance.

Jean-Luc Préel, député Nouveau Centre et par ailleurs ancien chef de service hospitalier, ne dit pas autre chose. "L'idée de visites médicales à l'hôpital devant plusieurs professionnels de santé qui, tous, manquent de temps, me laisse dubitatif. Comment s'organiseront-elles ?", a-t-il interrogé en commission. Réponse du ministre Xavier Bertrand : "La suppression du cadre individuel peut soulever des difficultés pour les petits hôpitaux locaux, mais on ne peut pas accepter le maintien du statu quo. La visite médicale, telle que nous l'avons connue, a vécu."

Si Catherine Lemorton comprend la logique du gouvernement – les visites collectives doivent permettre de réduire les abus –, elle regrette que le débat se focalise sur cette profession. "Ils ne sont qu'un maillon de la chaîne. Après tout, ils ne sont que les messagers d'une direction. En faire des boucs émissaires serait vraiment malhonnête", insiste-t-elle, avant de rappeler la responsabilité des médecins, parfois trop influençables.

DE MOINS EN MOINS DE VISITEURS MÉDICAUX

Contrairement à ce que préconise l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), les deux élus ne militent pas pour la disparition pure et simple des visiteurs médicaux. "Quel gouvernement prendrait la responsabilité sociale de provoquer le licenciement de 18 000 personnes ?", demande Catherine Lemorton. Les reconvertir en agents publics de l'information sur le médicament ? "L'État n'en a pas les moyens", répond-elle.

"Pourquoi ne pas imaginer que la Haute Autorité de santé explique aux médecins la marche à suivre en développant les logiciels de prescriptions ?", demande Jean-Luc Préel. Autre solution avancée par l'élue socialiste : "Il faudrait utiliser cette force de frappe pour faire remonter auprès des centres régionaux de pharmacovigilance les effets secondaires et indésirables des médicaments."

Problème : cela reviendrait à demander aux visiteurs médicaux de "dénoncer" leurs employeurs. Pas sûr qu'ils soient d'accord. Réforme ou pas, le nombre de visiteurs médicaux décroît inexorablement. Ils étaient 25 000 en 2004, ils ne sont plus que 18 000 en 2011. En cause, la multiplication des médicaments génériques, la signature d'une charte encadrant leur profession et les fusions entre laboratoires.

Et l'hémorragie n'est pas finie. Après avoir licencié quelque 700 personnes en 2008, principalement des visiteurs médicaux, le laboratoire Pfizer promet, mardi, les licenciements de 225 personnes supplémentaires en France. Sa justification ? La réforme de la visite médicale défendue par le gouvernement.

Thomas Monnerais