vendredi 9 septembre 2011

La Sécu «droguée» à la dette, selon la Cour des comptes

La Sécu «droguée» à la dette, s'alarme Migaud, Le Figaro, 9 septembre 2011 Le rapport annuel de la Cour des comptes insiste une nouvelle fois sur la nécessité de faire des économies. La crise, certes, mais pas seulement. La Sécu a enregistré l'an dernier un déficit historique frôlant 30 milliards d'euros (y compris le Fonds de solidarité vieillesse), a rappelé jeudi la Cour des comptes. La crise l'a privée d'une partie de ses recettes mais «n'explique qu'un peu moins de la moitié du déficit global», estime Didier Migaud. «Notre Sécurité sociale est en déficit à peu près chaque année depuis trente ans», souligne le premier président de la Cour. De quoi «entretenir une spirale de la dette, particulièrement dangereuse pour la légitimité et la pérennité même de notre protection sociale». La dette sociale atteignait 136 milliards fin 2010. Un «poison», une «drogue» qui retarde les réformes nécessaires, prévient Didier Migaud. Pour apurer la situation, la Cour des comptes préconise que l'on transfère chaque année le déficit constaté à la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Pour que ne soit pas prolongée la durée de vie de la Cades (censée disparaître en 2025), chaque transfert devra s'accompagner d'une hausse de sa principale ressource, la CRDS. Ce que le gouvernement a toujours refusé jusqu'ici. Au-delà de cette piste, qui éviterait de reporter sans cesse davantage le poids de nos dépenses sociales sur nos enfants, la Sécu doit se «désintoxiquer» de la dette en agissant sur ses dépenses, prône la Cour. • Hôpitaux Pour un acte identique, les hôpitaux publics reçoivent plus de la Sécu que les cliniques privées. Ces tarifs doivent être alignés en 2018. La Cour recommande une préparation plus méthodique à cette échéance inscrite dans la loi -mais déjà reportée une fois- car elle représente 7 milliards d'économies par an à trouver côté public. Les hôpitaux, CHU en tête, justifient ces tarifs plus élevés par des missions spécifiques (urgences, enseignement, recherche…). Mais ils reçoivent aussi des enveloppes forfaitaires pour assurer ces missions, dont les montants ne sont pas justifiés par une analyse précise des coûts. Les actes pratiqués uniquement dans les CHU représentent 5,5% seulement de leur activité de médecine, chirurgie et obstétrique! De l'eau au moulin de la fédération des cliniques (FHP-MCO), qui vient de porter plainte sur ce thème contre la France à Bruxelles, pour distorsion de concurrence. • Complémentaires santé Les employeurs ne paient pas de charges sociales lorsqu'ils cofinancent une complémentaire santé à leurs salariés. Une niche de 3,2 milliards qui bénéficie surtout aux salariés des grandes entreprises, dont la paie est plus élevée que celle des employés de PME. Qui plus est, les contrats collectifs souscrits par le biais de l'employeur couvrent mieux que les contrats individuels. La Cour s'interroge donc sur la nécessité de réorienter cette aide. Elle relève aussi que la CMU rembourse mieux les soins que les contrats souscrits par les bénéficiaires -un peu «moins pauvres»- de l'aide à la complémentaire santé (ACS), qui eux-mêmes offrent plus de garanties que les contrats moyens. Elle réclame des études sur ces effets de seuil et sur l'éventuelle surconsommation de soins des bénéficiaires de la CMU et de l'ACS. • Productivité des caisses Les frais de gestion représentent 3% des dépenses de la Sécu. C'est peu en proportion, beaucoup en valeur absolue: 10 milliards. Didier Migaud estime qu'un milliard peut être économisé en quelques années. Les réductions d'effectifs (en 5 ans, 6.500 postes) doivent être poursuivies avec plus de mutualisation des moyens et de souplesse. Bien que de droit privé, le statut des agents des caisses est plus rigide que celui des fonctionnaires: aucune mobilité géographique ou fonctionnelle ne peut leur être imposée. Résultat, quand ici une caisse a trop d'informaticiens, ailleurs une autre en embauche en CDD. La Cour des comptes appelle à changer ces règles à la prochaine révision de ce statut, en 2013.