mercredi 14 avril 2010

Un accès à la médecine très inégal en France

L'Express, 13 avril 2010

Les citadins en région Paca ou en Ile-de-France ont plus de chances d'avoir un docteur près de chez eux, selon les atlas régionaux publiés ce mardi par l'Ordre des médecins.

Des médecins de plus en plus inégalement répartis selon les régions et à l'intérieur même de ces dernières, et moins de libéraux: tel est l'alarmant constat dressé par l'Ordre des médecins dans les atlas régionaux de démographie médicale publiés pour la première fois ce mardi et disponibles sur son site Internet.

"Au coeur de chaque région, y compris les mieux dotées, on constate des inégalités flagrantes", analyse le Dr Patrick Romestaing, de la section santé publique et démographie médicale de l'Ordre, commentant cette étude inédite qui vient compléter l'atlas national édité chaque année.

Cette analyse plus fine de la démographie médicale au 1er janvier 2009 permet en effet de mettre en lumière des disparités départementales, même au sein des régions bien loties comme l'Ile-de-France et Paca.

Paca en tête, la Picardie défavorisée

Cette région, la mieux dotée avec 375 médecins pour 100 000 habitants (contre 290,3 médecins en moyenne en France métropolitaine), apparaît dans le détail coupé en deux avec un pourtour méditerranéen très attractif et un arrière-pays quasi désertique.

Là comme ailleurs, l'attrait exercé par les grandes villes est flagrant tandis qu'en zones rurales de nombreux cabinets médicaux ferment.

Quant à l'Ile-de-France, qui arrive juste derrière Paca, avec 373 médecins pour 100 000 habitants, elle se révèle, contrairement aux idées reçues, être celle où les "inégalités sont les plus criantes": 742 médecins pour 100 000 habitants à Paris contre seulement 223,1 en Seine-et-Marne.

Et son "statut" de région privilégiée pourrait être menacée à la fois par une pénurie de nouveaux médecins pour certaines spécialités et par l'âge des praticiens, qui y est plus élevé que la moyenne nationale.

A l'autre bout de l'échelle, la Picardie, qui a la plus faible densité médicale en activité régulière avec 238 médecins pour 100 000 habitants, révèle aussi des disparités par département. Une situation qui pourrait devenir catastrophique au regard du pourcentage des nouveaux médecins qui choisissent la pratique libérale: ils ne sont que 5% dans la région.

Trop de contraintes administratives, moins de libéraux

Une désaffection pour cette pratique qui se retrouve sur l'ensemble du territoire: seuls 10% des jeunes médecins la choisissent, le salariat s'avère plus attractif pour les jeunes médecins.

"Nous sommes face à une évolution sociétale majeure: les jeunes ne souhaitent ni s'endetter pour s'installer, ni se fixer définitivement dans une région et redoutent la lourdeur administrative d'un cabinet", constate Michel Legmann, le président de l'Ordre.

Ce dernier pointe du doigt les contraintes administratives et l'encadrement considéré de plus en plus strict de la médecine libérale par les pouvoirs publics.

"Nous voyons aujourd'hui de plus en plus de médecins expérimentés qui dévissent leur plaque pour redevenir remplaçants", déplore le Dr Legmann.

Soulignant la pénurie qui menace pour les libéraux, l'Ordre estime que "sur le plan matériel les pouvoirs publics n'ont pas favorisé les choses", rappelant notamment que pour lui "les généralistes sont des spécialistes comme les autres" et qu'ils ont donc droit à une rémunération en conséquence.

Dans les régions "désertées", même les mesures d'aides incitatives à l'installation semblent sans effet. Ainsi, la région Centre n'attire pas, malgré divers dispositifs et le recrutement de médecins étrangers notamment roumains. En Picardie, aucun nouvel inscrit ne s'est installé dans une des zones recensées par la Mission régionale de santé.

Pour le Dr Legmann, il est donc urgent de réformer la profession, tout en estimant que l'"on ne fera pas faire de la médecine avec un revolver dans le dos".