jeudi 26 septembre 2013

Budget 2014 : l'Assurance-maladie encore loin de l'équilibre

LE MONDE | 
Le gouvernement a présenté, jeudi 26 septembre 2013, son deuxième budget de la Sécurité sociale depuis son arrivée au pouvoir. Il prévoit le retour du "trou de la Sécu" à son niveau d'avant-crise avec 12,8 milliards de déficit, contre des niveaux compris entre 16 et 23 milliards depuis 2009. Pour 2013, il table sur une réduction du déficit de 1 milliard par rapport aux prévisions de juin, à 16,2 milliards. 

"C'est un résultat très important, car il montre que la fatalité peut être combattue", se félicite Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales. Sans les efforts de redressements entrepris, le déficit s'élèverait en 2014 à 21,5 milliards, estime le gouvernement.

Mais, avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2014, le problème spécifique du déficit de l'Assurance-maladie reste entier. Avec 6,2 milliards d'euros (contre 7,7 milliards en 2013), cette branche représentera près de la moitié du déficit de la Sécu en 2014. Mais aussi la moitié des économies, insiste la ministre.

Dans les couloirs de la Cour des comptes, on considère pourtant qu'il est urgent de s'attaquer au déficit de l'Assurance-maladie, alors que celui des branches vieillesse et famille est en voie de rétablissement. "Des gisements d'économies considérables" existent, a assuré Didier Migaud, le président de la Cour des comptes, le 17 septembre. Dans les hôpitaux, notamment.

500 MILLIONS NON DÉPENSÉS EN 2013

Alors que le gouvernement a annoncé des réformes des branches retraites et famille en 2013, dont le déficit devrait reculer respectivement à 1,2 et 2,3 milliards d'euros en 2014, la branche maladie semble, elle, encore très loin du retour à l'équilibre. 

L'augmentation des dépenses de santé devrait être contenue à 2,4 % l'année prochaine. Un taux historiquement bas, mais qu'il est possible d'atteindre, puisque depuis 2010 les objectifs de dépenses sont systématiquement respectés. Tenir cet objectif 2014 implique de réaliser près de 2,9 milliards d'économie, un montant inégalé. Cependant, le gouvernement peut compter sur 500 millions non dépensés en 2013.

Le reste des économies se fera, comme les années précédentes, via un rognage tous azimuts des dépenses. Dans le cocktail 2014, les laboratoires pharmaceutiques contribueront pour la plus grosse part, avec une économie de 960 millions d'euros constituée notamment par des baisses de prix et une modification de la tarification des génériques.

A cela s'ajouteront des baisses de prix de dispositifs médicaux pour 120 millions, des actions de maîtrise des prescriptions pour 600 millions, des baisses de tarifs des radiologues et biologistes libéraux pour 130 millions d'euros, etc. L'hôpital contribuera à hauteur de 440 millions d'euros, avec des mesures d'efficience des achats et de meilleures prises en charge des patients.

Autant dire des ingrédients très classiques. "Ce PLFSS ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de 2013, qui ressemblait à celui de 2012, qui lui-même ressemblait pas mal à celui de 2011, à la fois en termes de montants et de types d'économies réalisées", feint de s'étonner Claude Le Pen, économiste de la santé à l'université Paris-Dauphine. Autrement dit, malgré l'alternance politique, la méthode reste la même et plutôt focalisée sur le court terme.

Différence notable avec la majorité précédente, cependant : dans le budget 2013 comme dans celui 2014, les patients sont exonérés d'effort. Conformément à ses promesses, la ministre n'a engagé aucun déremboursement ni baisse des prestations.

Les patients verront par ailleurs leur accès aux soins amélioré, avec la fixation de critères plus rigoureux pour les contrats solidaires et responsables des complémentaires santé, qui bénéficient d'une fiscalité allégée. Les dépassements d'honoraires pris en charge par ces contrats devront notamment être plafonnés. Les étudiants précaires et isolés pourront bénéficier de la CMU-complémentaire.

"NOUS FAISONS DES RÉFORMES STRUCTURELLES"

Autre nouveauté, le lancement d'un nouveau processus de paiement dans les hôpitaux : la tarification à l'activité modulable, qui sera plus avantageuse pour les petits établissements isolés, et dégressive pour les grosses structures (ce qui permettra de prévenir la "course à l'acte" pour toucher plus).

Autant de mesures qui ressemblent plus à des ajustements qu'à de véritables réformes. Pourtant, quand elle était dans l'opposition, l'actuelle ministre ne cessait de reprocher à la majorité ses économies de bouts de chandelle. En mars 2012, Marisol Touraine estimait "que derrière l'absence de réformes engagées, il y a le choix inavoué, subreptice, sans débats, de faire évoluer notre système de protection sociale vers une prise en charge accrue par les assurances privées". Députée PS, elle plaidait alors pour des réformes "de structure", inévitables selon elle.

Désormais ministre, elle assure ne pas s'être reniée. "Nous faisons des réformes structurelles. Mettre l'accent sur la chirurgie ambulatoire, valoriser la médecine de premier recours, ou, comme nous l'avons fait, instaurer le principe du tiers payant contre générique dans les pharmacies, ce qui a fait évoluer les mentalités, ce sont des éléments structurants", dit Mme Touraine.

Sa méthode repose sur la stratégie nationale de santé, présentée lundi, qui va mettre en place une meilleure coordination des soins grâce à la définition de parcours de patients. Des mesures pour l'amorcer sont inscrites dans le PLFSS, comme l'augmentation de la rémunération des médecins sur objectif de santé publique ou la hausse des expérimentations de paiement au forfait pour un travail en équipe.


De tout premiers signes auxquels les députés seront sensibles. "Il fallait absolument que dès 2014 certaines mesures de la stratégie nationale de santé entrent dans le PLFSS", explique un député de la commission des affaires sociales, inquiet qu'on puisse reprocher à la gauche de n'avoir rien changé de fondamental en dix-huit mois. 

Mais les économies que permettra potentiellement cette stratégie nationale de santé, par exemple en réduisant les hospitalisations inutiles, restent encore très floues, et lointaines.